Suzanna van de Lagemaat,
géologue à l’Université d’Utrecht, a reconstruit numériquement une
plaque tectonique massive et jusqu’alors inconnue qui faisait
autrefois un quart de la taille de l’océan Pacifique. Les
chercheurs avaient prédit son existence il y a plus de dix ans en
se basant sur des fragments d’anciennes plaques tectoniques
découverts au plus profond du manteau terrestre.
L’importance géologique des plaques tectoniques
La compréhension des mouvements des plaques
tectoniques est cruciale pour étudier l’histoire géologique de
la Terre. Elles se présentent en effet comme les pièces mobiles de
la coque externe de la Terre et leur déplacement a de nombreuses
conséquences sur notre planète, y compris la géographie, le climat,
la formation des montagnes, les tremblements de terre et les
éruptions volcaniques. Ces mouvements sont principalement dus à la
convection dans le manteau terrestre, c’est-à-dire la montée des
matériaux chauds et la descente des matériaux plus froids afin
d’évacuer la chaleur interne de la Terre.
Certaines grandes plaques
océaniques du passé ont toutefois été subduites dans le manteau
terrestre. Cela se produit généralement lorsque deux plaques
convergent et l’une d’elles plonge sous l’autre dans une zone de
subduction. Ces plaques disparaissent alors progressivement dans le
manteau, laissant cependant derrière elles quelques indices
géologiques, tels que des roches métamorphiques et des chaînes de
montagnes.
Les restes d’une
mégaplaque perdue
L’histoire des plaques tectoniques
de la région entourant les Philippines, qui séparait jadis les
royaumes de Panthalassa et de Téthys, est notoirement difficile à
reconstruire pour cette raison, mais cela n’est pas pour autant
impossible. Suzanna van de Lagemaat, géologue à l’Université
d’Utrecht, vient en effet de reconstruire par ordinateur une plaque
tectonique massive et jusqu’alors inconnue dans la région.
L’existence de cette plaque
tectonique avait été prédite par son équipe il y a quelques années
en se basant sur des fragments d’anciennes plaques découvertes dans
les couches profondes du manteau terrestre. Une
plaque subductée laisse en effet des traces lorsqu’elle « s’enfonce
» dans le manteau terrestre : des zones du manteau avec des
températures ou des compositions anormales. Ces anomalies
peuvent alors être observées lorsque les sismographes captent les
signaux des tremblements de terre. Ces fragments étaient des
indices de l’existence passée de cette plaque massive.
Concrètement, ces recherches
avaient montré qu’une vaste zone de subduction devait traverser
l’océan paléo-Pacifique occidental, séparant les
plaques Pacifique connues à l’est de cette hypothétique nouvelle
grande plaque à l’ouest. Une nouvelle étude vient de le démontrer
de manière indépendante.

La plaque en question : sa situation dans l’océan paléo-Pacifique
il y a 120 millions d’années et ses reliques actuelles. Crédits :
Suzanna van de Lagemaat, Université d’Utrecht
Une plaque qui fait quart de la taille du Pacifique
Dans le cadre de ces travaux, les
scientifiques ont entrepris des recherches sur le terrain dans
plusieurs régions, notamment le Japon, Bornéo, les Philippines, la
Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Zélande. Ces enquêtes ont permis de
collecter des données précieuses sur les formations géologiques et
les chaînes de montagnes.
En utilisant les données
recueillies, ainsi que des techniques de modélisation et de
cartographie géologique avancées, les chercheurs ont finalement
réussi à reconstruire numériquement cette ancienne plaque
tectonique nommée Pontus Plate qui faisait jadis
environ un quart de la taille de l’océan Pacifique, ce qui
constitue une découverte majeure en géologie. Ses reliques se
trouvent actuellement au nord de Bornéo, mais également à Palawan,
une île de l’ouest des Philippines, et dans la mer de Chine
méridionale.
Les détails de l’étude sont publiés
dans la revue Gondwana Research.