La question peut sembler étrange, voire inconfortable. Après tout, qui oserait se l’avouer ? Pourtant, elle mérite d’être posée. Ce n’est pas seulement une question de moralité ou de jugement, mais une réflexion sur soi et nos interactions avec les autres. Nous avons tous eu, un jour ou l’autre, ce moment de doute : « Ai-je agi comme un imbécile ? »
Le miroir déformant : pourquoi avons-nous tant de mal à nous voir clairement ?
Nous avons tous un regard particulier sur nous-mêmes, souvent influencé par notre égo, nos peurs et nos désirs. Et quand il s’agit d’évaluer notre propre comportement, un phénomène se produit : la rationalisation. C’est la tendance à justifier des comportements que l’on sait inappropriés. Par exemple, lorsque vous avez perdu votre calme dans une situation anodine, plutôt que d’admettre une perte de contrôle, vous vous dites que l’autre « l’a bien cherché » ou que votre réaction était « nécessaire ». Ce mécanisme de défense est souvent un signe que nous n’acceptons pas pleinement nos erreurs.
En psychologie, on parle aussi de biais cognitifs, des distorsions de pensée qui influencent notre auto-évaluation. L’un des plus courants est le biais de confirmation, qui nous pousse à rechercher des éléments confirmant nos croyances et à ignorer ceux qui nous indiquent que nous avons agi de manière regrettable. Ainsi, même lorsque nous agissons de manière égoïste ou inconsidérée, nous avons tendance à justifier nos comportements, convaincus que nous avions raison.
Un paradoxe majeur réside dans le fait que ceux qui se comportent de manière égoïste, arrogante ou méprisante sont souvent ceux qui ont le plus de mal à reconnaître leur propre manque d’empathie. L’effet Dunning-Kruger nous enseigne que les personnes qui manquent de compétences dans un domaine sont souvent les moins aptes à se rendre compte de leur incompétence.
L’imbécillité à travers les lunettes de l’autre
Alors, comment savoir si nous agissons vraiment comme des imbéciles ? Une réponse réside dans la capacité à écouter les autres et à considérer leurs points de vue. Les imbéciles ont une vision déformée de la réalité et refusent souvent de reconnaître la légitimité des perspectives des autres. Lorsqu’une personne critique notre comportement, soit nous l’écoutons attentivement, soit nous la rejetons d’un revers de main, convaincus que nous avons toujours raison.
Un concept intéressant pour évaluer l’imbécillité est celui de la « jerkitude » – cette tendance à se comporter de manière égoïste et irrespectueuse des autres. La philosophe Simine Vazire souligne que nous avons une bonne connaissance de nos traits de caractère lorsqu’ils sont visibles et relativement neutres moralement. Par exemple, être bavard est un trait facile à reconnaître et peu sujet à débat. En revanche, des qualités comme l’intelligence ou la créativité sont plus difficiles à évaluer objectivement. Mais l’imbécillité, quant à elle, est un trait subjectif et difficilement observable.

L’importance du regard extérieur
L’un des moyens les plus efficaces pour évaluer notre degré d’imbécillité est de demander à d’autres ce qu’ils pensent de notre comportement. Bien entendu, cela dépend de notre capacité à accepter la critique. Si nous sommes dans le déni et refusons toute remise en question, il est probable que nous soyons en train de fuir la vérité. Un imbécile, en effet, ne reconnaît pas l’humanité des autres, ce qui le conduit à adopter des comportements égoïstes ou condescendants.
C’est ici qu’intervient un autre concept clé de l’imbécillité : la triade noire de la personnalité, qui inclut le narcissisme, le machiavélisme et la psychopathie. Les personnes possédant ces traits sont souvent centrées sur leurs propres intérêts, et leur vision du monde est déformée. Par exemple, un narcissique peut se considérer supérieur aux autres, tandis qu’un machiavélique voit les autres comme des instruments à utiliser. Quant à un psychopathique, il agit sans remords ni empathie. Les imbéciles, de manière générale, partagent cette vision égocentrique du monde, où ils sont au centre.
Se regarder en face : les voies pour s’évaluer
Alors, comment pouvons-nous nous évaluer honnêtement ? Il existe plusieurs outils pour améliorer notre connaissance de soi. Tout d’abord, une introspection régulière est essentielle. Prenez un moment pour réfléchir à vos comportements et interactions. Vous êtes-vous déjà demandé si vous aviez blessé quelqu’un par vos actions ? Pourquoi avez-vous réagi de cette manière ? Cette prise de recul permet de voir avec plus de clarté où nous avons échoué.
Une autre approche consiste à pratiquer la pleine conscience, cet état d’attention dans lequel on observe nos pensées et émotions sans jugement. Cela permet de repérer nos impulsions négatives avant qu’elles ne se transforment en actions regrettables. En cultivant cette attention à nos réactions, nous devenons plus aptes à reconnaître les moments où nous agissons de manière égoïste ou inconsidérée.