Rocket Lab, le
petit rival ambitieux de SpaceX, entre dans la cour des grands. Sa
nouvelle fusée « Neutron », attendue pour un vol inaugural fin
2025, vient de décrocher une mission cruciale avec l’armée de l’air
américaine. Une avancée majeure qui pourrait bien révolutionner la
logistique militaire… depuis l’espace.
Une fusée qui pense à
l’aller, mais aussi au retour
Alors que SpaceX domine le marché des
lancements orbitaux, une autre entreprise privée avance ses pions
avec une ambition discrète mais solide : Rocket Lab, société
d’origine néo-zélandaise désormais bien implantée aux États-Unis.
Connue pour sa petite fusée Electron, déjà utilisée avec succès depuis 2018 pour des
satellites légers, Rocket Lab vise désormais une tout autre
catégorie avec Neutron, un lanceur de taille moyenne partiellement
réutilisable.
Avec 43 mètres de
haut et une capacité de 13 tonnes en orbite basse, Neutron veut
combler le vide entre les petits lanceurs comme Electron et les
géants comme Falcon 9. Son premier étage, équipé de neuf moteurs
Archimedes conçus en interne, est réutilisable. Et le système de
séparation entre les étages est particulièrement innovant : une
coiffe en deux parties qui s’ouvre comme une mâchoire d’hippopotame
pour libérer le second étage, tout en permettant de récupérer le
premier intact pour une utilisation ultérieure.
Rocket Lab a même
prévu une plateforme d’atterrissage flottante, baptisée avec humour
« Return on Investment », pour récupérer les premiers étages en
mer, à la manière de SpaceX. Cette approche optimise les coûts tout
en augmentant la cadence de lancement — un atout majeur pour les
marchés publics.
Un partenariat avec l’US Air
Force pour livrer du fret… par l’espace
Mais ce qui propulse
vraiment Neutron sous les projecteurs, c’est sa sélection par le
laboratoire de recherche de l’US Air Force (AFRL) pour un projet
inédit. En 2026, si tout se passe bien, la fusée participera à une
mission d’essai dans le cadre de l’initiative REGAL
(Rocket Experimentation for
Global Agile Logistics), un programme explorant la possibilité
de livrer rapidement du matériel
militaire n’importe où sur Terre… via l’espace.
L’objectif : tester
la résistance des cargaisons à la rentrée atmosphérique et évaluer
les capacités de Neutron pour du transport ultra-rapide
point-à-point. En clair, imaginer un avenir où un satellite, un
drone ou des pièces critiques pourraient être lancés et récupérés
en quelques heures, aux antipodes du globe. Une logistique express
qui n’a rien à envier à Amazon — version militaire.

Rendu de la fusée à décollage moyen Neutron de Rocket Lab. Crédit :
Rocket Lab
Une marque de confiance qui
vaut de l’or
Ce contrat avec
l’armée de l’air est bien plus qu’un simple vol d’essai : c’est un
signal fort de confiance des autorités américaines dans la
technologie de Rocket Lab. Comme le souligne Peter Beck, PDG et
fondateur de l’entreprise, « Neutron établira une nouvelle norme de
performance, d’accessibilité et de fiabilité pour les missions
gouvernementales et commerciales ».
Le timing est
également révélateur : la mission REGAL devrait avoir lieu juste
après les premiers vols d’essai de Neutron, prévus dès fin 2025. Si
tout se déroule comme prévu, Rocket Lab pourrait ainsi rejoindre le
cercle très restreint des fournisseurs spatiaux capables de
répondre aux exigences du Département de la Défense américain.
La course aux fusées
réutilisables s’intensifie
Avec Neutron, Rocket
Lab s’inscrit dans la nouvelle ère du spatial, où réutilisabilité
rime avec rentabilité. Ce qui n’était encore qu’un pari fou il y a
dix ans — faire revenir une fusée entière pour la relancer — est
désormais un standard incontournable pour quiconque veut rester
dans la course. Blue Origin, Relativity Space, et même l’Europe
avec Ariane Next, cherchent à s’aligner sur ce modèle.
Mais contrairement à
SpaceX, qui vise Mars, Rocket Lab semble se positionner sur un
marché plus ciblé : les lancements de moyenne capacité à haute
fréquence, avec une touche de polyvalence qui séduit autant les
start-ups spatiales que les militaires.
En attendant le
décollage
Les tests
s’intensifient : vidéos, images de moteurs, déploiement de l’étage
supérieur… Rocket Lab communique à chaque étape, alimentant le
suspense autour de Neutron. Et avec l’US Air Force à bord,
l’entreprise s’offre bien plus qu’un joli coup marketing : elle
gagne une crédibilité stratégique précieuse dans une industrie où
chaque contrat vaut des millions — et parfois bien plus.