Alors que la menace des
superbactéries devient l’un des
plus grands défis de santé publique du 21e siècle, une découverte
inattendue relance l’espoir : un nouvel antibiotique, trouvé au
fond d’une mine chinoise, montre une efficacité remarquable contre
les agents pathogènes les plus résistants.
Cette molécule,
baptisée saarviénine A, a été isolée par une équipe de chercheurs
de l’Université de Vienne et de l’Institut Helmholtz de recherche
pharmaceutique de la Sarre. Elle est produite par une souche rare
du genre Amycolatopsis, un groupe de bactéries déjà connu pour
avoir donné naissance à des antibiotiques majeurs comme la
vancomycine. Ce nouvel échantillon a été découvert dans une région
géologiquement unique : le district minier de Bayan Obo, en
Mongolie-Intérieure (Chine), célèbre pour abriter les plus grands
gisements de terres rares au monde.
Une efficacité redoutable
contre les bactéries résistantes
Dans les laboratoires
européens, les chercheurs ont cultivé la souche bactérienne pour en
extraire ses composés naturels. L’un d’eux s’est immédiatement
distingué : la saarviénine A s’est montrée particulièrement
efficace contre les bactéries Gram positif, y compris des souches
de Staphylococcus aureus résistantes à des traitements de dernier
recours comme la méthicilline, la vancomycine et la
daptomycine.
Mais ce qui rend
cette molécule encore plus fascinante, c’est son mode d’action
inhabituel. Contrairement aux autres antibiotiques
glycopeptidiques, la saarviénine A ne semble pas fonctionner de la
même manière que ses homologues. Sa structure chimique, elle aussi,
sort des sentiers battus. « Nous avons été ravis de découvrir que
la saarviénine A n’appartient à aucune catégorie connue. Sa
structure unique pourrait ouvrir la voie à des antibiotiques que
les bactéries n’ont jamais rencontrés auparavant », explique le
chercheur Jaime Felipe Guerrero-Garzón, co-auteur de l’étude.
Un espoir dans un contexte
d’urgence mondiale
La découverte de la
saarviénine A intervient à un moment critique. La résistance aux
antibiotiques progresse rapidement, nourrie par l’usage excessif et
inapproprié des traitements antimicrobiens. En 2019, 1,27 million
de décès dans le monde étaient directement attribués à des
infections résistantes. Et selon les projections, ce chiffre
pourrait grimper à 8,22 millions de morts par an d’ici 2050 si
aucune solution n’est trouvée.
Or, le développement
de nouveaux antibiotiques est à la traîne. Peu de molécules
nouvelles parviennent jusqu’au marché, et celles qui y arrivent
perdent vite leur efficacité, car les bactéries évoluent
constamment. C’est pourquoi chaque nouvelle piste sérieuse est
précieuse.
Une route encore longue avant une utilisation clinique
Bien que les
résultats en laboratoire soient prometteurs, la saarviénine A n’est
pas encore un médicament. Elle doit encore passer par toutes les
étapes du développement pharmaceutique : études de toxicité, tests
sur des animaux, essais cliniques sur l’humain, etc. C’est un
processus long, complexe et coûteux.
« La découverte
d’un nouvel antibiotique n’est qu’un début. Nous sommes désormais
confrontés au défi fascinant de le perfectionner pour en faire un
candidat médicament adapté à une utilisation clinique »,
précise Sergey B. Zotchev, auteur correspondant de l’étude.

L’illustration montre la structure chimique de la saarviénine A, un
nouvel antibiotique actif contre les bactéries résistantes à de
nombreux antibiotiques actuellement utilisés. Crédits : Kaur et
al., Angewandte Chemie International Edition 2025
La nature, toujours une
alliée précieuse
Cette découverte
souligne une nouvelle fois l’importance d’explorer la biodiversité
microbienne, même dans les environnements les plus inattendus :
forêts tropicales, fonds marins, ou ici, les profondeurs d’une mine
riche en terres rares. La nature reste un réservoir inépuisable de
molécules aux propriétés thérapeutiques, parfois enfouies là où on
les attend le moins.
Parallèlement, des
approches technologiques innovantes, notamment l’usage de
l’intelligence artificielle pour analyser des bibliothèques de
composés chimiques, contribuent également à accélérer la découverte
de nouveaux antibiotiques.
Une nouvelle bataille dans la
guerre contre les superbactéries
L’étude, publiée dans
la revue Angewandte Chemie International
Edition, marque une étape encourageante dans la lutte contre la
résistance antimicrobienne. La saarviénine A ne sauvera pas le
monde demain, mais elle représente un nouvel espoir tangible, un
signal que la science peut encore trouver des solutions à un
problème de santé mondiale aussi redoutable qu’urgent.