Comment le
cerveau humain est-il devenu si
volumineux et complexe, comparé à celui de nos plus proches
cousins, les primates ? Cette question fascine les scientifiques
depuis des décennies. Aujourd’hui, une nouvelle étude apporte un
éclairage surprenant en montrant qu’un simple fragment d’ADN
humain, inséré dans le génome d’une souris, peut entraîner un
élargissement significatif de son cerveau. Une avancée majeure qui
ouvre la voie à une meilleure compréhension de notre évolution
cérébrale.
Un fragment d’ADN qui booste la
croissance cérébrale
Au cœur de cette
découverte se trouve un petit morceau d’ADN appelé HARE5. Ce
fragment appartient à une famille de séquences appelées « régions
accélérées humaines » (HAR), des segments du génome qui ont évolué
très rapidement chez l’Homme, contrairement aux autres mammifères.
Ces HAR sont soupçonnés de jouer un rôle clé dans les
caractéristiques uniques de l’humain, notamment le développement
cérébral.
Dans cette étude, des chercheurs ont
remplacé la version naturelle de HARE5 chez des souris par la
version humaine de ce fragment. Le résultat ? Ces souris modifiées
ont développé un cortex cérébral plus large de 6,5 % par rapport à
des souris normales. Ce changement, bien que modeste en apparence,
est énorme sur le plan biologique, car le cortex est la région du
cerveau associée à des fonctions supérieures telles que la pensée,
la mémoire, et la prise de décision.
Comment ce fragment agit-il
?
Le fragment HARE5
agit comme un véritable interrupteur génétique. Il contrôle
l’expression d’un gène appelé Fzd8, qui joue un rôle essentiel dans
la croissance et la prolifération des cellules nerveuses. Plus
précisément, ce fragment stimule les cellules souches neurales,
appelées glie radiale, qui sont à l’origine des neurones et des
autres cellules du cerveau.
Chez les souris
porteuses du fragment humain, les glies radiales se divisent
davantage, produisant plus de neurones, ce qui entraîne un cortex
plus volumineux. En d’autres termes, ce petit segment d’ADN humain
« pousse » le cerveau à grandir en favorisant la multiplication des
cellules cérébrales pendant le développement.
Un fragment, quatre mutations
clés
Pour comprendre
pourquoi la version humaine de HARE5 est si puissante, les
chercheurs ont analysé ses différences avec la version chimpanzé.
Ils ont identifié quatre mutations spécifiques dans le fragment
humain, chacune contribuant à renforcer la prolifération des
cellules. Ces mutations semblent optimiser la fonction de ce
régulateur génétique, amplifiant ainsi son effet sur le
développement cérébral.

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Vers un cerveau plus
complexe
Pour approfondir
leurs recherches, les scientifiques ont utilisé des modèles
miniatures de cerveaux humains appelés organoïdes. Ces structures
en 3D cultivées en laboratoire permettent d’étudier le
développement cérébral dans un environnement contrôlé. Les
organoïdes avec la version humaine de HARE5 ont montré une
production accrue de cellules gliales radiales, confirmant ainsi
l’impact de ce fragment sur la croissance cérébrale.
Par ailleurs, l’étude
révèle que HARE5 influence une voie de signalisation clé qui régule
la division des cellules souches nerveuses, renforçant ainsi son
rôle de moteur dans l’expansion et la complexification du cerveau
humain.
Une pièce du puzzle
évolutif
Malgré ces avancées,
les chercheurs précisent que ce fragment n’est qu’une pièce parmi
des milliers d’autres dans le génome humain. En effet, environ 3
000 autres régions accélérées humaines pourraient aussi contribuer
à façonner notre cerveau unique. Comprendre comment ces différents
éléments interagissent reste un défi majeur pour la science.
Des implications pour
l’évolution et la santé
Au-delà de
l’évolution, cette recherche pourrait avoir des répercussions
importantes en neurosciences et en médecine. Mieux comprendre les
mécanismes qui contrôlent la croissance du cerveau pourrait aider à
développer des traitements pour des troubles du développement
cérébral ou des maladies neurodégénératives.