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En Alaska, les rivières tournent à l’orange, et on commence (enfin) à savoir pourquoi

En Alaska, les rivières tournent à l’orange, et on commence (enfin) à savoir pourquoi

  • dimanche 18 mai 2025
  • 5

Avec ses plus de 12 000
rivières, l’État de l’Alaska dépend beaucoup de ses eaux sur un
plan économique pour la pêche, le tourisme et les loisirs, mais
aussi culturel pour les populations autochtones chez qui elles sont
au cœur des traditions. Surtout, ces étendues aquatiques sont très
importantes pour la grande diversité de faune et de flore qu’elles
abritent, le tout au sein d’un écosystème riche et dynamique dans
le cercle polaire arctique. Toutefois, ces rivières vitales et
leurs bassins versants font face à un phénomène inquiétant qui a
attiré l’attention des chercheurs. En effet, leurs eaux autrefois
pures et cristallines tournent à l’orange vif et deviennent très
acides. Une étude récente vise à mieux comprendre les origines de
cette transformation dangereuse et visiblement, le changement climatique n’y est pas
étranger
.

Le cas très étrange des rivières
orange en Alaska

Pour ces recherches, les
scientifiques ont collecté des échantillons à 75 endroits au niveau
de la chaîne montagneuse de Brooks, dans la région arctique de
l’Alaska, ainsi que dans le parc national de Kobuk Valley. Parfois,
les zones étaient si difficiles d’accès qu’il leur a fallu y aller
en hélicoptère. « Plus nous volions ça et là, plus nous
remarquions des rivières et cours d’eau orange. Certains sites
ressemblaient presque à du jus d’orange lacté

», déplore Jon O’Donnell, le principal auteur de ces travaux et
écologiste du National Park Service Arctic Inventory and Monitoring
Network.

Et comme l’ajoute Brett Poulin,
l’un des chercheurs de l’étude et professeur adjoint en toxicologie
environnementale à l’Université de Californie à Davis, certaines de
ces zones tachées d’orange sont si larges qu’elles sont
même visibles depuis l’espace
, signe qu’elles doivent être
très profondément tachées. D’ailleurs, si Jon O’Donnell n’a
remarqué ce changement de teinte qu’en 2018, des images
satellitaires prouvent que ce phénomène remonte à 2008
. «
Ce problème se propage peu à peu des petits cours d’eau vers de
plus grosses rivières au fil du temps. Et quand des problèmes ou
des menaces émergentes se présentent, nous devons être capables de
les comprendre
», affirme ce dernier.


rivières orange en alaska

Avant-après au niveau de l’Akillik. Ce cours d’eau est un affluent
direct de la rivière Kobuk qui se trouve au sein du parc national
de Kobuk Valley, en Alaska. Crédits : Jon O’Donnell

Et justement, comment expliquer ce
changement de couleur abrupte ?

Bien que les causes ne soient pas
claires, les scientifiques attribuent ce problème de rivières
rouillées au réchauffement climatique. Dans le parc national de
Kobuk Valley, dont les températures ont augmenté de 2,4°C
depuis 2006 et qui pourrait prendre 10,2°C de plus d’ici à
2100
, il est en effet déjà à l’origine d’une fonte
de 40 % du permafrost
(un sol habituellement gelé en
permanence).

Avec l’exposition à l’eau et à
l’oxygène, il se peut que les minerais métalliques dans le sol
autrefois congelé aient relâché de l’acidité ainsi que des
métaux
. Les échantillons prélevés montraient ainsi de
forts taux de zinc, de nickel, de cuivre et de cadmium dans les
eaux impactées. Le fer reste toutefois le métal le plus
présent au sein de prélèvements
et pourrait donc être à
l’origine de cette teinte orange vif. Ici, la conductivité
électrique des sédiments était finalement « plus proche de
celle des eaux usées industrielles que de celle d’un ruisseau de
montagne
».


rivières orange alaska arctique

Crédits : Ken Hill / Service du parc national de Kobuk
Valley

Certains chercheurs proposent une
autre piste pour expliquer la couleur de l’eau. Elle pourrait en
effet être simplement en lien avec la prolifération de
bactéries ferreuses
, considérées comme non dangereuses
pour les espèces aquatiques et l’homme. En cas de dégel du
pergélisol en zone humide, ces bactéries pourraient avoir une
incidence sur l’état du fer qui, d’abord oxydé (Fe3+) et insoluble
deviendrait alors réduit (Fe2+) et soluble dans
l’eau
. Le transport de fer dans les eaux souterraines
pourrait alors les oxyder et leur donner cette couleur
orange-verte. Toutefois, les scientifiques ne veulent
négliger aucune piste
. De plus amples recherches seront
donc nécessaires.

Une acidité impressionnante

Reste que certains échantillons
affichaient un pH de 2,3 contre un pH de 8 en moyenne dans
les rivières
. Or, c’est aussi acide que le pH du vinaigre.
Cela montre ainsi que les eaux touchées sont beaucoup plus acides
que la normale. Les relevés dans la rivière Salmon affichaient un
pH de 6,4, soit « environ cent fois plus acide que la
rivière dans laquelle le cours d’eau se déversait
».


rivières orange alaska

Crédits : Ken Hill / Service du parc national de Kobuk
Valley

En quoi l’état des rivières est-il
une mauvaise nouvelle pour l’Alaska ?

Les chercheurs disposent d’encore
un an pour mieux comprendre l’origine du problème après avoir reçu
des subventions sur trois ans pour leurs recherches. En tout cas,
leurs travaux mettent en exergue des risques très élevés pour
l’approvisionnement en eau potable pour les locaux dans les zones
rurales comme pour la faune aquatique. « Ces cours d’eau orange
peuvent poser des problèmes de toxicité, mais
aussi empêcher la migration des poissons vers leur zone de
reproduction
», s’inquiète notamment Jon O’Donnell.
L’étude affirme par ailleurs que cette décoloration s’accompagne
d’« un déclin dramatique dans la diversité des macroinvertébrés
et sur l’abondance de poissons
» et que la forte concentration
de fer et de métaux toxiques laisse planer une menace
supplémentaire.

Cela pourrait ainsi avoir des
conséquences potentiellement désastreuses pour cette région qui
compte beaucoup sur ses rivières pour manger, le tourisme et la
pêche commerciale. En tout cas, « C’est une zone qui se
réchauffe au moins deux à trois fois plus vite que le reste de la
planète
. On peut donc s’attendre à ce que ce genre d’effet
continue
», conclut Scott Zolkos, un scientifique à la
Woodwell Climate Research Center qui ne fait pas partie de l’équipe
de recherche.

Retrouvez l’étude en détail ici.

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