Une équipe de
chercheurs chinois vient de franchir une étape spectaculaire dans
le domaine de la robotique autonome : ils ont conçu une intelligence artificielle
capable de piloter des drones en mode FPV (First Person View) avec
une précision et une audace qui dépassent celles des meilleurs
pilotes humains. Mieux encore, leur système s’inspire directement
des maîtres du ciel : les éperviers, les faucons… et les
chauves-souris.
Fini les muscles, place au
cerveau
Jusqu’ici, les progrès
dans le pilotage acrobatique des drones reposaient principalement
sur le matériel : moteurs plus puissants, capteurs plus sensibles,
châssis plus légers. Mais l’équipe menée par le professeur Gao Fei,
de l’Université du Zhejiang, a choisi une autre voie : celle de
l’intelligence logicielle.
Leur IA FPV repose
sur deux composants clés. Le premier est un traducteur d’intention
de mouvement, capable de convertir des manœuvres complexes — comme
un looping ou une vrille serrée — en une séquence fluide
d’instructions exploitables par le drone. Le second est un module
d’évaluation « risque-récompense », qui permet à l’IA de juger en
temps réel le meilleur compromis entre performance, sécurité et
efficacité énergétique.
Autrement dit, ce
drone n’est pas juste agile : il comprend pourquoi il fait ce qu’il
fait, et choisit la meilleure trajectoire possible comme le ferait
un prédateur aérien.
L’instinct animal, la
précision algorithmique
L’inspiration
derrière cet algorithme vient du monde animal. « Les oiseaux de
proie savent intuitivement transformer des manœuvres à haut risque
en comportements qui maximisent leurs chances de survie »,
explique Gao. C’est cette « sagesse biologique » que les chercheurs
ont tenté de traduire en code.
Et les résultats sont spectaculaires.
Lors des tests, le drone a traversé un parcours d’obstacles
complexe — avec passages en tunnel, virages serrés et inversions de
trajectoire — à une vitesse et avec une fluidité inégalées. Dans
une épreuve comparative, il a même battu un pilote humain
professionnel : 100 % de réussite pour la machine contre seulement
12,5 % pour l’humain.

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Pas juste un jouet de
course
Si les vidéos de ces
acrobaties font le buzz, les implications de cette avancée vont
bien au-delà du divertissement ou des compétitions de drones.
Selon les chercheurs,
cette technologie pourrait révolutionner plusieurs secteurs. En
milieu urbain ou en forêt, un drone capable de manœuvres complexes
pourrait échapper à la détection ou intervenir dans des espaces
confinés pour des missions militaires, de reconnaissance ou de
sauvetage. Imaginez un drone explorant les fissures d’un bâtiment
effondré après un séisme, ou volant au ras d’un cratère volcanique
en activité. L’industrie du cinéma pourrait aussi en profiter pour
obtenir des prises de vue aériennes parfaitement stables, même dans
des décors impraticables.
Et pourquoi pas dans
l’espace ? Naviguer dans des champs de débris ou se faufiler à
l’intérieur d’une station orbitale en panne devient plus
envisageable quand le drone réagit avec la réactivité d’un animal
et la précision d’une machine.
Ce que l’IA ne sait pas
encore faire
Tout n’est pas
parfait pour autant. Le système fonctionne uniquement dans des
environnements préalablement cartographiés : il ne sait pas encore
improviser dans un lieu inconnu. Il ne peut pas non plus coordonner
plusieurs drones en essaim ni ajuster sa trajectoire à des
événements totalement imprévus. Mais les chercheurs sont confiants
: ces limites techniques pourraient être surmontées avec de
nouveaux travaux, ouvrant la voie à des « missions agressives dans
des environnements extrêmes », selon leurs mots.
En résumé : ce que les chercheurs
chinois viennent d’accomplir n’est pas simplement un coup d’éclat
technologique. C’est un changement de paradigme. On ne cherche plus
à rendre les drones plus puissants, mais plus intelligents. Et dans
un monde où vitesse, agilité et autonomie sont de plus en plus
stratégiques — dans les airs, sur Terre et peut-être un jour sur
Mars — cela pourrait tout changer.