C’est une première mondiale passée (presque) inaperçue, mais qui
pourrait changer la vie de millions de personnes : des chirurgiens
américains viennent de réussir la première greffe de vessie humaine. Une
avancée spectaculaire, qui ouvre la voie à une nouvelle ère dans la
transplantation d’organes complexes.
L’opération, qui s’est déroulée
le 4 mai dernier au Centre médical Ronald Reagan de l’UCLA, en
Californie, a été annoncée quelques jours plus tard par l’équipe de
chirurgiens impliqués. Et leur message est clair : la vessie peut
désormais rejoindre la liste des organes transplantables, aux côtés
du cœur, du foie, des reins ou encore des poumons.
Une prouesse attendue depuis
des décennies
Pourquoi une telle
greffe n’avait-elle jamais été réalisée auparavant ? Ce n’est pas
faute d’essayer : la structure anatomique du bassin, extrêmement
complexe et dense en vaisseaux, rendait jusqu’ici l’opération
pratiquement impossible. Contrairement à d’autres organes, la
vessie est profondément ancrée dans une région difficile d’accès,
avec un réseau vasculaire fragile et risqué à manipuler.
Il aura fallu quatre
années de recherche et d’expérimentations chirurgicales, menées
conjointement par l’UCLA Health et Keck Medicine de l’USC, pour
mettre au point une technique inédite permettant de relier
correctement la vessie greffée au reste de l’appareil urinaire, et
surtout à un rein fonctionnel.
Un patient idéal pour un défi
hors norme
Le patient qui a
bénéficié de cette avancée historique s’appelle Oscar Larrainzar.
Il a perdu la majeure partie de sa vessie à la suite de l’ablation
d’une tumeur, ainsi que ses deux reins. Depuis plus de sept ans, il
vivait sous dialyse, dans l’attente d’une solution durable.
Oscar était donc un
candidat parfait pour ce type d’intervention, notamment parce qu’il
était déjà sous traitement immunosuppresseur — un élément
essentiel, car comme pour toute greffe, le principal risque est le
rejet de l’organe par le système immunitaire.

Crédit :
iStock
Crédits : Akarawut Lohacharoenvanich / iStock
Une double greffe, un seul
objectif : redonner une vie normale
L’équipe
chirurgicale, dirigée par les docteurs Inderbir Gill et Nima
Nassiri, a choisi de procéder à une double greffe : un rein et une
vessie d’un même donneur. L’idée ? Relier les deux nouveaux organes
ensemble pour maximiser leurs chances de fonctionner en
synergie.
L’intervention a duré
près de huit heures, dans des conditions extrêmement délicates.
Mais le pari est réussi : le rein a immédiatement commencé à
produire de l’urine, et celle-ci a été correctement drainée vers la
vessie greffée, comme l’a confirmé le Dr Nassiri.
Un succès qui dépasse les
attentes
Mieux encore : aucune
dialyse n’a été nécessaire après l’opération, un signe que les
organes ont pris le relais de manière efficace. Plusieurs semaines
après l’intervention, le patient se porte bien, et les médecins se
disent optimistesquant à la suite.
« Tout s’est
déroulé comme prévu, et nous sommes très satisfaits de son
évolution clinique à ce jour », a déclaré le Dr Gill. Il reste
bien sûr des incertitudes sur le long terme, notamment en ce qui
concerne la durée de vie de la vessie transplantée, mais cette
première est déjà un tournant.
Une révolution pour des
millions de malades
Chaque année, des
milliers de patients à travers le monde souffrent de
dysfonctionnements sévères de la vessie(infections chroniques,
malformations, tumeurs…). Pour certains, les traitements actuels —
chirurgie réparatrice, cathéters ou dérivations urinaires — sont
lourds, invasifs, et ne suffisent pas à restaurer une vie
normale.
La possibilité d’une
transplantation de vessie fonctionnelle ouvre donc des perspectives
immenses, en particulier pour les patients déjà greffés d’un rein,
ou ceux sous traitements immunosuppresseurs.
Cette greffe
pionnière pourrait également stimuler la recherche sur la
bio-impression d’organes ou sur les vessies artificielles, une
autre piste explorée depuis longtemps mais toujours limitée en
efficacité.
Le futur de la
transplantation s’élargit
À l’heure où la
médecine cherche à réduire l’impact des maladies chroniques sur la
qualité de vie, cette avancée est un signal fort : la greffe
d’organes n’est plus limitée aux organes « vitaux », elle s’étend
désormais à ceux qui changent profondément la vie quotidienne.
Et si cette première
transplantation de vessie est confirmée comme un succès durable,
d’autres centres médicaux dans le monde pourraient bientôt suivre.
Car ce qui semblait hier relever de la science-fiction est
désormais une réalité : on peut greffer une vessie, et ça
fonctionne.