En mars dernier,
l’équipe du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA a réalisé ce
que beaucoup considéraient comme impossible : réactiver des
propulseurs de la sonde Voyager 1 considérés comme hors service
depuis 2004, pour préserver l’orientation d’un vaisseau lancé… il y
a près d’un demi-siècle.
Alors que la sonde
dérive aujourd’hui à plus de 24 milliards de kilomètres de la
Terre, au-delà de l’influence directe du Soleil, cet exploit
technologique et humain illustre l’ingéniosité nécessaire pour
faire vivre les plus anciennes missions de l’exploration
spatiale.
Une mission mythique en
sursis
Lancée en 1977,
Voyager 1 est l’objet le plus lointain jamais construit par
l’humanité. Initialement conçue pour un périple de quelques années
à travers le système solaire, elle continue de transmettre des
données depuis l’espace interstellaire, une zone jamais explorée
auparavant.
Mais à une telle
distance, maintenir le contact radio avec la Terre est un miracle
d’ingénierie. Pour cela, Voyager 1 s’appuie sur des petits
propulseurs, qui orientent en permanence son antenne vers notre
planète. Or, certains de ces propulseurs essentiels commencent à
faiblir.
Depuis 2004, les
propulseurs de roulis principaux de la sonde étaient hors service,
jugés irrécupérables à cause d’une panne dans les éléments
chauffants nécessaires à leur fonctionnement. Heureusement, un
ensemble de secours avait pris le relais. Mais en 2025, ce plan B
montre lui aussi des signes d’usure inquiétants. Des résidus
s’accumulent dans les tuyaux, risquant de bloquer complètement le
système dès l’automne.
Une course contre la montre…
et contre le vide
Face à cette menace,
les ingénieurs du JPL ont tenté une manœuvre à haut risque
: réactiver les vieux propulseurs principaux, ceux abandonnés
depuis deux décennies. Un pari osé, car si les éléments chauffants
ne fonctionnaient toujours pas, leur allumage risquait de provoquer
une micro-explosion.
La manœuvre devait
impérativement réussir avant le 4 mai 2025, date à laquelle la
seule antenne terrestre capable d’envoyer des commandes à Voyager
1, la DSS-43 en Australie, allait être mise hors ligne pour
plusieurs mois de maintenance. Sans cette antenne, aucune
correction ne pourrait être envoyée en cas d’échec.
C’est donc dans une
tension maximale que l’équipe a envoyé la commande de redémarrage
le 20 mars. En raison de la distance, le signal radio met plus de
23 heures à atteindre la Terre, ce qui signifiait qu’au moment de
recevoir la réponse, il serait déjà trop tard pour réagir.

Crédit :
iStock
Une illustration de la sonde Voyager 1 de passage près de Jupiter.
Crédits : Naeblys/istock
Une intuition salvatrice
Mais pourquoi
retenter une réparation que l’on croyait impossible depuis 20 ans ?
Parce qu’un ingénieur du JPL a eu une intuition : et si la panne
des éléments chauffants n’était pas due à une défaillance
matérielle, mais à un interrupteur mal positionné dans le système
électrique du vaisseau ?
En activant à nouveau
les circuits de chauffage, l’équipe espérait réinitialiser cet
interrupteur invisible à distance. Le pari était audacieux, mais il
s’est avéré payant : moins de 20 minutes après l’allumage présumé
des propulseurs, les capteurs ont détecté une élévation soudaine de
la température — preuve que les éléments chauffants étaient de
nouveau opérationnels.
Une renaissance pour
Voyager
Grâce à cette
réparation, la NASA peut à nouveau compter sur l’ensemble complet
des propulseurs de Voyager 1, augmentant ses chances de maintenir
l’orientation du vaisseau pendant plusieurs années supplémentaires.
C’est un sursis vital pour une mission scientifique exceptionnelle
qui continue de fournir des données uniques sur le milieu
interstellaire.
Comme l’explique Todd
Barber, responsable de la propulsion de la mission :
« Ces propulseurs
étaient considérés comme hors d’usage. Et c’était une conclusion
légitime. Mais un de nos ingénieurs a eu l’intuition qu’il y avait
peut-être une autre cause possible, et qu’elle était réparable.
C’est un autre miracle, sauf pour Voyager. »
Une leçon d’humilité et
d’audace
L’histoire de cette
réparation n’est pas seulement celle d’un exploit technique. C’est
le symbole de la résilience humaine face à l’inconnu, de la
capacité des équipes scientifiques à imaginer des solutions
créatives pour prolonger l’exploration de l’espace, bien au-delà
des prévisions initiales.
Voyager 1 a été
conçue pour une mission de 5 ans. Elle entame aujourd’hui sa 48e
année de voyage, toujours en service, toujours curieuse, toujours
tournée vers la Terre.