On pensait que
la chasse en groupe, une stratégie si complexe et coordonnée, était
propre aux Homo sapiens. Pourtant, une nouvelle
découverte archéologique remet en question cette idée reçue et
réécrit une partie de l’histoire de nos ancêtres. Grâce à une
nouvelle datation des célèbres lances en bois de Schöningen, en
Allemagne, les chercheurs ont pu établir que ces armes, datant en
réalité de 200 000 ans, ont été fabriquées et utilisées par les
Néandertaliens. Cette découverte révèle non seulement l’ingéniosité
de ces derniers mais aussi leur capacité à chasser collectivement,
bien avant l’arrivée de Sapiens en Europe. Une avancée qui ouvre
des perspectives fascinantes sur le comportement social et cognitif
de ces cousins disparus.
Des armes rares, un contexte
unique
Le site de
Schöningen, découvert en 1994, est un véritable trésor
archéologique. Enfouies dans des couches de sable et d’argile, neuf
lances en bois remarquablement conservées, ainsi que des bâtons de
jet et les restes d’animaux, ont été retrouvés dans un état
quasiment intact. Ces objets, qui remontent à plusieurs centaines
de milliers d’années, ont été conservés grâce à des conditions
environnementales particulièrement favorables : un sol humide et
pauvre en oxygène, idéal pour préserver les matières
organiques.
À l’origine, les
lances de Schöningen étaient datées de 400 000 ans, et étaient
attribuées à Homo heidelbergensis, un ancêtre de l’Homme moderne et
des Néandertaliens. Cependant, les progrès des techniques de
datation ont permis une réévaluation des couches sédimentaires et
des objets retrouvés. Selon la dernière étude, les lances seraient
en réalité plus récentes, datées de 200 000 ans. Cette nouvelle
datation modifie radicalement l’interprétation de ces artefacts. Ce
ne sont donc pas des outils créés par un ancêtre lointain, mais
bien par les Néandertaliens, les ancêtres directs de notre propre
lignée.

Les lances de Schöningen étaient utilisées pour la chasse
communautaire par les premiers Néandertaliens. Crédit image :
Matthias Vogel via Wikimedia Commons
Une chasse organisée,
méthodique, et collective
Ce qui rend ces
lances d’autant plus intéressantes, c’est ce qu’elles révèlent sur
la façon dont les Néandertaliens chassaient. En plus des armes, les
archéologues ont retrouvé des ossements de chevaux sauvages, ce qui
suggère que ces animaux ont été abattus en grande quantité,
probablement lors de véritables campagnes de chasse.
Les traces de ces
armes, combinées aux restes d’animaux, montrent ainsi clairement
que les Néandertaliens ne chassaient pas en solitaire, mais qu’ils
travaillaient ensemble en groupe, en utilisant des stratégies de
piégeage et d’encerclement pour capturer leurs proies. Une telle
organisation implique des capacités de communication, de
planification, et de travail en équipe.
Les preuves fournies
par Schöningen offrent ainsi la première preuve directe d’une
chasse coopérative chez les Néandertaliens, et ce, plus de 100 000
ans avant que Sapiens ne développe de telles pratiques. Cela
bouleverse nos idées sur la complexité des sociétés humaines
anciennes, et remet en question les stéréotypes qui assignaient les
Néandertaliens à une existence plus rudimentaire.
Cela nous amène à une
conclusion fascinante : la chasse en équipe n’a pas été une
invention exclusive de l’Homme moderne. Ces capacités ont également
peut-être évolué avec le temps. La chasse collective observée à
Schöningen pourrait donc être l’une des premières étapes de ce
processus, et bien d’autres découvertes futures pourraient encore
nous surprendre.
Les détails de l’étude sont
publiés dans la revue Science Advances.