Les techniques
de respiration ont longtemps été utilisées dans diverses pratiques
spirituelles et thérapeutiques à travers le monde. Mais une étude
récente menée par l’Institut Ernst Strüngmann de neurosciences, en
collaboration avec d’autres chercheurs, vient ajouter une nouvelle
dimension à l’importance de la respiration dans le bien-être
psychologique. En explorant les effets de la respiration
circulaire, cette étude révèle qu’elle pourrait être une méthode
efficace pour induire des états de conscience modifiés, semblables
à ceux observés lors de l’utilisation de psychédéliques, et avoir
un impact positif sur des troubles mentaux tels que la dépression
et le stress post-traumatique.
Qu’est-ce que la respiration
circulaire ?
La respiration
circulaire est une technique qui consiste à respirer de manière
continue, sans pause entre l’inspiration et l’expiration. Cette
méthode est souvent associée à des pratiques comme le Pranayama
Yoga, ou plus récemment à des
formes comme la respiration holotropique ou la respiration
consciente connectée. Contrairement à une respiration normale, où
il y a des pauses naturelles entre l’inhalation et l’expiration, la
respiration circulaire implique un flux constant d’air, créant une
sorte de « cercle » respiratoire.
L’objectif de cette
technique est de favoriser une respiration plus profonde et plus
régulière, permettant à l’individu de se concentrer pleinement sur
le processus respiratoire, tout en encourageant une relaxation
profonde et un lâcher-prise des tensions physiques et
émotionnelles.
L’étude des chercheurs : de
la respiration circulaire à la conscience modifiée
Dans le cadre d’une
étude publiée dans la revue Communications Psychology, une équipe de
chercheurs a voulu comprendre comment cette pratique pourrait
induire des changements dans la conscience humaine et impacter la
santé mentale.
Pour ce faire, ils
ont recruté 61 participants ayant déjà pratiqué la respiration
circulaire, et les ont divisés en plusieurs groupes. Certains
participants ont pratiqué une respiration holotropique ou une
respiration consciente connectée, tandis qu’un groupe témoin
respirait normalement. Les chercheurs ont ensuite évalué les effets
de ces séances sur les niveaux de dioxyde de carbone dans le corps,
ainsi que sur des paramètres psychologiques et physiologiques, afin
de déterminer les liens entre la respiration et les états modifiés
de conscience.
La relation entre CO2 et
états modifiés de conscience
L’un des résultats les
plus frappants de l’étude a été la réduction de la saturation en
dioxyde de carbone (CO₂) chez les participants pratiquant la
respiration circulaire. En effet, les niveaux de CO₂ dans le sang
des participants ont diminué de manière significative, atteignant
une baisse de 16,6 mmHg par rapport au groupe témoin.
Cette diminution a été
corrélée à l’apparition d’états de conscience modifiés, semblables
à ceux observés chez les individus ayant expérimenté des substances
psychédéliques. Ces états ont été mesurés à l’aide d’échelles qui
évaluaient les expériences mystiques et les altérations de la
perception. Les participants ont rapporté des sensations de
transcendance, de connexion profonde avec eux-mêmes et le monde,
ainsi qu’une ouverture émotionnelle comparable à celle ressentie
dans des expériences psychédéliques.
Des bienfaits sur la santé
mentale
Mais les effets de la
respiration circulaire ne se limitent pas à la modification de la
conscience. L’étude a également observé une amélioration des
symptômes dépressifs et une augmentation du bien-être psychologique
chez les participants. Ceux qui ont pratiqué la respiration
circulaire ont signalé une réduction notable de leurs symptômes
dépressifs, mesurée par un Inventaire rapide de symptomatologie
dépressive, et une amélioration de leur bien-être, évaluée par
l’Échelle de bien-être mental de Warwick-Édimbourg. Ces changements
ont persisté une semaine après la séance de respiration.
Les chercheurs ont
également observé des modifications des biomarqueurs physiologiques
associés à la réponse au stress et à l’inflammation. En
particulier, les niveaux de l’alpha-amylase salivaire, un
biomarqueur du stress, ont diminué après les séances de
respiration, tandis que les niveaux de l’interleukine-1 bêta, un
marqueur de l’inflammation, ont montré des variations en fonction
de l’intensité des états modifiés de conscience.

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Pourquoi la respiration
circulaire pourrait-elle être une alternative intéressante aux
psychédéliques ?
Les résultats de
cette étude suggèrent que la respiration circulaire pourrait offrir
une alternative intéressante aux thérapies psychédéliques
actuellement en développement pour traiter des troubles comme la
dépression ou le syndrome de stress post-traumatique. En effet, les
thérapies assistées par psychédéliques, bien que prometteuses, sont
encore entourées de nombreux obstacles légaux, médicaux et
financiers qui en limitent l’accessibilité.
La respiration
circulaire, en revanche, est une pratique non pharmacologique,
facilement accessible et peu coûteuse. Elle pourrait offrir une
manière plus simple et plus accessible pour les individus de
moduler leur conscience et d’améliorer leur bien-être, sans avoir
recours à des substances chimiques. De plus, cette méthode pourrait
être pratiquée dans un cadre communautaire, ce qui favorise les
interactions sociales et l’accompagnement émotionnel.
Une pratique à explorer
davantage
Bien que cette étude
offre des résultats prometteurs sur les effets de la respiration
circulaire, elle reste exploratoire et nécessite davantage de
recherches rigoureuses pour confirmer ses bienfaits à long terme.
Il est crucial de continuer à explorer les mécanismes
physiologiques et psychologiques sous-jacents à cette pratique,
afin de mieux comprendre comment elle peut être utilisée pour
améliorer la santé mentale de manière efficace.
En attendant, la
respiration circulaire pourrait bien représenter une méthode
simple, accessible et puissante pour explorer des états de
conscience modifiés et favoriser la guérison psychologique,
notamment en réduisant les symptômes de dépression et de stress.
Cette étude ouvre la voie à de nouvelles perspectives
thérapeutiques dans le domaine de la santé mentale, où des
pratiques anciennes pourraient jouer un rôle clé dans le bien-être
moderne.