Et si
l’intelligence artificielle ne se contentait pas de transformer nos
usages numériques, mais repoussait aussi les limites biologiques de
notre espèce ? Pour certains acteurs
du secteur technologique, ce n’est pas seulement une hypothèse —
c’est une certitude. Selon Dario Amodei, PDG
d’Anthropic, l’espérance de vie humaine pourrait
tout simplement doubler d’ici 2030, grâce aux avancées rapides de
l’IA. Une prédiction qui fait rêver, mais aussi grincer bien des
dents.
L’espérance de vie : une
révolution déjà en cours
Il y a deux siècles,
l’espérance de vie moyenne en occident ne dépassait pas 40 ans.
Aujourd’hui, elle frôle les 80 ans. Cette transformation radicale
n’est pas due à des élixirs de jouvence ou à une révolution
génétique, mais principalement à une chute spectaculaire de la
mortalité infantile et à des avancées médicales majeures : vaccins,
antibiotiques, chirurgie moderne, hygiène, etc.
Jusqu’à présent,
cette progression s’est faite sans l’aide de l’intelligence
artificielle. Mais pour certains, l’IA pourrait bien devenir
l’accélérateur ultime de cette révolution biologique.
IA et médecine : un duo
prometteur
L’argument principal
des partisans de cette vision futuriste repose sur la capacité de
l’IA à analyser d’énormes quantités de données biomédicales, à une
vitesse et une échelle inaccessibles aux chercheurs humains. En
explorant les mécanismes cellulaires du vieillissement — comme la
sénescence, le raccourcissement des télomères ou les
dysfonctionnements mitochondriaux — l’IA pourrait identifier de
nouveaux traitements, voire des remèdes, pour ralentir ou inverser
le vieillissement.
Certaines recherches
montrent déjà des résultats encourageants. Des médicaments
expérimentaux ont prolongé la durée de vie de souris jusqu’à 50 %.
Dario Amodei note également que certaines espèces animales, comme
certaines tortues, vivent plus de 200 ans — preuve, selon lui, que
la longévité humaine actuelle n’est pas une limite biologique
infranchissable.
Dario Amodei : « L’IA va
doubler notre espérance de vie »
Dans un billet de
blog publié en octobre 2024,
Amodei avance une hypothèse spectaculaire : au rythme actuel du
développement de l’IA, l’humanité pourrait atteindre une espérance
de vie moyenne de 150 ans d’ici quelques décennies. Mieux encore :
d’ici cinq ans, il affirme que nous pourrions connaître une avancée
technologique majeure qui amorcerait ce bouleversement.
Lors du Forum
économique mondial de Davos en janvier 2025, il a réaffirmé sa
conviction : si la médecine traditionnelle a doublé notre espérance
de vie au 20e siècle, l’IA pourrait accomplir la même prouesse… en
cinq ans seulement.

Crédit :
iStock
Crédits : Akarapong Chairean/istock
La « vitesse de
libération de la longévité »
Selon Amodei, si nous
parvenons à franchir un certain seuil d’espérance de vie, les
avancées technologiques continueront à prolonger notre durée de vie
plus vite que le vieillissement lui-même. C’est ce qu’il appelle la
« vitesse de libération de la longévité » : un point où
la mort pourrait devenir un choix, non une fatalité biologique.
Certains futuristes, comme Ray Kurzweil, partagent cette vision et
vont même plus loin, évoquant des nanorobots capables de réparer
nos cellules ou la possibilité de « sauvegarder » notre
conscience dans le cloud.
Des promesses qui ne
convainquent pas tout le monde
Mais ces scénarios
dignes de science-fiction ne font pas l’unanimité. Le professeur S.
Jay Olshansky, épidémiologiste à l’université de l’Illinois, est
catégorique : aucune preuve ne permet d’affirmer que l’IA peut
modifier le processus biologique du vieillissement. Pour lui,
améliorer la santé humaine — dépister les maladies plus tôt,
personnaliser les traitements, optimiser la prévention — est une
chose. Mais prétendre prolonger radicalement la durée de vie en est
une autre.
« On fait de la
science ou on n’en fait pas. Malheureusement, ce domaine attire son
lot de charlatans », affirme-t-il. Dans une étude publiée
récemment dans Nature Aging, il rappelle qu’en
l’état actuel des connaissances, le vieillissement reste un
processus fondamentalement inéluctable.
Science, espoir… ou mirage
technologique ?
En définitive, l’IA
s’impose comme un outil révolutionnaire dans la recherche
biomédicale. Son potentiel pour accélérer les découvertes
médicales, personnaliser les traitements ou améliorer la santé
publique est immense. Mais passer de là à doubler l’espérance de
vie en quelques années, voire à rendre l’humain immortel, reste à
ce jour hautement spéculatif.
Même si certains
rêvent déjà d’un avenir où vieillir ne serait plus qu’une option,
les scientifiques rappellent que toute avancée sérieuse exige du
temps, des preuves, et surtout un regard critique face aux
promesses démesurées.