Il ressemble à
une créature tout droit sortie d’un film d’animation un peu trop
inspiré… et pourtant, il est bien réel. Voici Panacanthus cuspidatus, plus connu sous le nom
de sauterelle épineuse, ou pour les intimes, le diable épineux. Un
nom qui lui va comme un gant, tant cet insecte d’Amazonie cumule les bizarreries
biologiques — entre arme défensive, régime carnivore et
performances vocales dignes d’un festival.
Des piques, partout
Difficile de passer à
côté de sa silhouette : tête protubérante en forme de couronne,
corps hérissé de piquants, pattes bardées d’épines. Une allure qui,
à elle seule, suffit à dissuader la plupart des prédateurs. C’est
précisément le but. Car dans la nature, afficher des armes
redoutables peut éviter d’avoir à s’en servir.
Ces épines ont aussi
un avantage évolutif supplémentaire : elles permettent au diable
épineux de se fondre dans la végétation dense et acérée de son
habitat. Une tactique de camouflage bien utile pour un insecte qui,
malgré son apparence agressive, n’est pas au sommet de la chaîne
alimentaire.
Carnivore et
opportuniste
Là où la plupart des
sauterelles sont strictement herbivores, Panacanthus casse les codes : omnivore, elle
ne se contente pas de grignoter des feuilles. C’est aussi une
chasseuse habile, qui utiliserait ses longues pattes épineuses pour
capturer de petites proies. Imaginez un grillon doté des bras de M.
Chatouilleur… mais qui aurait décidé de se mettre sérieusement à la
prédation.
Ce comportement, rare
chez les orthoptères, intrigue les entomologistes. Il souligne
surtout la plasticité alimentaire de l’espèce, précieuse dans un
environnement aussi compétitif et imprévisible que la forêt
tropicale.

Crédits : Graham Wise/istock
Le cri du diable
Et comme si cela ne
suffisait pas, le diable épineux est aussi un chanteur infatigable.
Pour séduire les femelles, le mâle grimpe sur un perchoir et se met
à striduler, c’est-à-dire à produire un son en frottant certaines
parties de son corps. Le résultat ? Un cri puissant, audible à
plusieurs dizaines de mètres… mais aussi un appel risqué.
Car ce chant n’attire
pas que les partenaires potentiels : les chauves-souris sont aussi
à l’écoute. C’est peut-être pour cela que certaines études ont
montré une corrélation entre la complexité du chant et la quantité
d’épines. Plus l’insecte est bruyant, plus il aurait intérêt à être
indigeste.
La fascination du
terrain
Mais au-delà des
faits scientifiques, c’est souvent l’émerveillement du terrain qui
parle le mieux. Le photographe naturaliste Nick Volpe, qui a eu la
chance de croiser Panacanthus en pleine forêt, ne tarit pas d’éloges :
« C’est probablement
la sauterelle la plus intimidante au monde. Regardez tous ces pics
! C’est un carnivore, et il le montre à merveille. Une véritable
royauté parmi les sauterelles. »
Difficile de ne pas
partager son enthousiasme.
Alors, le
diable épineux mérite-t-il son titre d’insecte le plus étrange du
monde ? Un look d’apocalypse, un régime inattendu, des chants de
sirène… et tout ça, dans quelques centimètres de chitine. On vous
laisse trancher.