Le ciel qui
nous entoure recèle encore de nombreux mystères, même à proximité
de notre système solaire. Une découverte récente d’un nuage
d’hydrogène moléculaire, baptisé Eos, à seulement 300
années-lumière de la Terre, offre une nouvelle fenêtre sur
l’évolution des étoiles et des planètes.
Un nuage invisible
jusque-là
Un nuage moléculaire
est une vaste région de l’espace remplie de gaz et de poussières,
principalement composée de molécules d’hydrogène. Ces nuages sont
des éléments essentiels dans l’univers car ils sont souvent les
berceaux des étoiles et des systèmes
planétaires. Lorsque la densité et la température sont suffisantes,
ces nuages peuvent s’effondrer sous leur propre gravité pour former
des étoiles et des planètes.
En raison de leur
grande densité, ces nuages sont généralement froids (de l’ordre de
-200°C) et peuvent être très opaques, ce qui rend leur observation
difficile. Leur détection repose souvent sur la recherche de
signatures chimiques spécifiques, comme celle du monoxyde de
carbone (CO), qui est un produit secondaire de réactions chimiques
dans ces nuages.
C’est là que la
découverte du nuage Eos prend une tournure particulière.
Contrairement à de nombreux autres nuages moléculaires qui
affichent des concentrations importantes de monoxyde de carbone,
Eos en contient très peu. Cela a longtemps rendu ce nuage difficile
à détecter par les méthodes traditionnelles utilisées par les
astronomes.
Une révolution de
l’observation ultraviolette
La clé de cette
découverte, rapportée dans Nature Astronomy, a été une approche novatrice
reposant sur l’utilisation des émissions ultraviolettes de
l’hydrogène moléculaire. L’équipe du professeur Blakesley Burkhart,
astrophysicien à l’Université Rutgers-New Brunswick, a exploité des
données provenant du satellite sud-coréen STSAT-1, conçu pour
observer les émissions dans l’ultraviolet lointain. Cette méthode a
permis de détecter des molécules d’hydrogène brillantes, révélant
ainsi le nuage dans sa lumière propre.
Les émissions
ultraviolettes d’hydrogène moléculaire, qui ont permis de détecter
Eos, sont cruciales car elles représentent une signature lumineuse
spécifique à cette molécule. Contrairement à d’autres méthodes
classiques qui cherchent le monoxyde de carbone ou d’autres
éléments chimiques, l’observation ultraviolette permet de déceler
des molécules d’hydrogène invisibles à d’autres longueurs d’onde.
Ce phénomène est un tournant dans la recherche spatiale, ouvrant la
voie à l’observation d’autres structures similaires jusque-là
inaccessibles.

Vue d’artiste montrant à quoi ressemblerait Éos dans le ciel
nocturne si l’immense nuage moléculaire était visible à l’œil nu.
Crédits : NatureLifePhoto/Flickr. New York City Skyline, Burkhart
et al. 2025.
Une opportunité unique pour
comprendre la formation des étoiles
Situé à la frontière
de la bulle locale, ce nuage permet de scruter des processus de
formation d’étoiles en temps réel. Pour la première fois, les
chercheurs peuvent observer directement les interactions dans un
nuage moléculaire, étudiant comment des structures telles que les
étoiles commencent à émerger de ces zones de gaz et de
poussière.
La détection d’Eos
offre ainsi une occasion rare d’étudier les premières étapes de la
naissance des étoiles à une échelle galactique, dans une zone qui
nous est relativement proche. Ce processus, encore mal compris,
pourrait nous fournir des informations essentielles sur l’évolution
de notre propre galaxie et sur la façon dont d’autres systèmes
solaires, comme le nôtre, pourraient se former.
Vers de nouvelles
découvertes
L’exploration d’Eos
ne fait que commencer. L’équipe envisage de poursuivre ses travaux
pour repérer d’autres nuages similaires, tant proches qu’éloignés.
Grâce à des technologies avancées, y compris les données du
télescope spatial James Webb (JWST), ils espèrent explorer des
nuages encore plus lointains et anciens. Cette recherche pourrait
mener à des découvertes spectaculaires sur la formation des
galaxies et le milieu interstellaire dans ses premiers stades.
L’équipe de
chercheurs espère que cette découverte pourra servir de modèle pour
identifier et étudier d’autres nuages moléculaires invisibles à
l’œil nu, cachés dans les recoins les plus reculés de la galaxie.
Ces futures découvertes pourraient non seulement étoffer notre
compréhension des processus interstellaires mais aussi offrir des
indices cruciaux sur l’origine des premières galaxies.