Deux planètes naines
éloignées de notre Système solaire, baptisées Éris et Makémaké,
pourraient révéler une activité géothermique significative propice
à la présence d’océans d’eau liquide en leur sein, d’après une
modélisation basée sur de nouvelles observations effectuées par le
télescope spatial James Webb. Pourraient-elles abriter la vie pour
autant ?
Deux petits mondes isolés
Dans les confins éloignés de notre
Système solaire, deux planètes naines nichées dans la ceinture de
Kuiper, Éris et Makémaké, ont longtemps gardé
leurs mystères. À peine plus petite que Pluton, mais 25% plus
massive, Éris se trouve à environ 14,4 milliards de
kilomètres du Soleil. Sa découverte en 2005 avait remis en
question le statut de Pluton. Makemake, repérée peu après Éris,
présente de son côté un diamètre plus petit. Vous la retrouverez à
environ 7,7 milliards de kilomètres du Soleil.
Des observations récentes du
télescope spatial James Webb ont révélé des caractéristiques
fascinantes sur deux planètes naines qui suggèrent une activité
géothermique surprenante. Sous la direction du géochimiste
planétaire Christopher Glein du Southwest Research Institute au
Texas, les chercheurs ont en effet identifié des signes de
processus thermiques qui génèrent du méthane (un
hydrocarbure composé d’hydrogène et de carbone) à partir de ces
deux planètes lointaines.

Les tailles de Éris et Makémaké comparées à celles d’autres objets
transneptuniens. Crédits : Lexicon/Wikipedia
Des planètes naines avec un générateur de chaleur interne
Dans le détail, il était
traditionnellement supposé que le méthane à la surface de ces
planètes naines était accumulé à partir du disque
primordial qui entourait le jeune Soleil il y a 4,5
milliards d’années. Cependant, les nouvelles observations remettent
en question cette notion. Les observations de ratios
isotopiques inhabituels, en particulier entre l’hydrogène
et le deutérium, ont en effet jeté la lumière sur des origines
géochimiques du méthane.
Si le méthane à la surface de ces
planètes provenait du disque de formation planétaire qui entourait
le jeune Soleil il y a 4,5 milliards d’années, il devrait en effet
présenter un rapport isotopique spécifique entre
l’hydrogène ordinaire et le deutérium. Cependant, les
mesures du JWST montrent un rapport différent, indiquant des
origines géochimiques du méthane produit dans les profondeurs
internes de ces planètes.

Vue d’artiste de Makemake. Crédits : ESO/L. Calçada/Nick
Risinger
Plus précisément, le processus de
désintégration d’isotopes radioactifs dans les
noyaux rocheux d’Éris et Makémaké génère de la chaleur qui augmente
la température à des niveaux supérieurs à 150 °C.
Cette chaleur générée au sein des noyaux rocheux provoque
la libération de méthane en surface, potentiellement à
travers des processus de dégazage ou même de volcanisme. Selon les
scientifiques, les températures pourraient également signaler la
présence potentielle d’eau liquide sous la surface glacée d’Éris et
Makémaké, ce qui laisse entrevoir des océans
potentiellement habitables.
Ces découvertes jettent ainsi une
lumière nouvelle sur ces planètes naines éloignées et suscitent des
interrogations sur la diversité de l’activité planétaire dans notre
propre Système solaire.
Les résultats de l’étude seront
décrits dans un article publié dans le numéro d’avril 2024 de la
revue Icarus.