Lors d’une
récente conférence à Austin, au Texas, une déclaration pour le
moins déroutante a été prononcée par l’un des plus hauts
responsables scientifiques de l’administration américaine : les
États-Unis seraient désormais capables de « manipuler le temps et
l’espace » et de « supprimer la distance ». Ces propos, qui
pourraient sembler tout droit sortis d’un film de science-fiction,
ont été tenus par Michael Kratsios, ancien directeur du Bureau de
la politique scientifique et technologique à la Maison Blanche,
sous l’administration Trump.
Une déclaration littérale… ou
métaphorique ?
S’exprimant lors de l’événement Endless
Frontiers Retreat, une rencontre de haut niveau réunissant
scientifiques, entrepreneurs et responsables politiques pour
discuter de l’avenir technologique de l’Amérique, Kratsios a peint
le tableau d’une nouvelle ère d’innovation. « Nos technologies
nous permettent de manipuler le temps et l’espace », a-t-il
affirmé, précisant qu’elles « annihilent les distances,
favorisent la croissance et améliorent la productivité. »
La formulation de
Kratsios n’a pas manqué de faire réagir, notamment en ligne, où les
spéculations vont bon train. Parle-t-il de manière symbolique, pour
décrire l’impact des technologies de télécommunication, d’intelligence artificielle ou
d’internet sur notre rapport à l’espace-temps ? Ou bien fait-il
allusion à des projets classifiés ou émergents relevant de la
physique avancée, comme les travaux sur les communications
quantiques, les systèmes hypersoniques, ou encore les moteurs à
distorsion spatiale théorisés par la NASA ?
Rien dans le discours
ne permet de trancher clairement. Toutefois, le choix des mots —
volontairement provocateur ou simplement visionnaire — semble viser
un effet d’électrochoc : rallumer l’ambition technologique
américaine.
L’appel à un nouveau « nouvel
âge d’or »
Au-delà de la
formule-choc, Kratsios a exprimé une inquiétude partagée par de
nombreux chercheurs et innovateurs : celle d’un ralentissement de
la dynamique scientifique américaine au cours des dernières
décennies. Comparant l’époque actuelle aux années 1960 — époque des
missions Apollo, de l’essor nucléaire et de la révolution
informatique — il a appelé à un sursaut collectif.
Selon lui, la
lourdeur réglementaire, héritée des années 1970, freine les
avancées dans des domaines clés : énergie, spatial, transports. Il
dénonce aussi la dépendance à une main-d’œuvre bon marché au
détriment d’investissements dans l’automatisation et la
productivité. « Nous avons choisi l’endettement »,
affirme-t-il, « alors que nous pouvions construire
différemment. »
Crédit :
iStock
Innovation et sécurité
nationale
Le discours a
également pris un tournant géopolitique. Kratsios a souligné que
l’innovation technologique est désormais au cœur de la sécurité
nationale et de la diplomatie internationale. Dans une stratégie en
trois volets, il a plaidé pour la protection de la propriété
intellectuelle, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement, et
un contrôle renforcé des exportations — en particulier face à la
montée technologique de pays concurrents comme la Chine.
Il a également
insisté sur la nécessité de mieux encadrer les collaborations
scientifiques internationales et de surveiller les investissements
étrangers dans les entreprises technologiques américaines.
Une vision ambitieuse,
teintée d’ambiguïté
Le discours de
Kratsios, entre ambition et provocation, semble vouloir mobiliser
les forces vives de l’innovation américaine autour d’un nouveau
rêve technologique. Mais en suggérant que certaines technologies
actuelles permettraient de « plier le temps et l’espace », il
flirte avec des concepts encore largement hypothétiques… voire avec
la science-fiction.
Une chose est sûre :
dans un contexte de compétition technologique mondiale de plus en
plus féroce, les États-Unis entendent conserver leur avance — ou la
regagner — en misant sur l’audace scientifique
