Schinderhannes, de son vrai nom Johannes Bückler, fut l’un des criminels les plus redoutés de l’Allemagne de la fin du 18e siècle. Chef d’une bande de brigands, il terrorisa la région avec plus de 200 crimes, incluant des vols, des extorsions et même des meurtres. Son règne prit fin en 1802, lorsqu’il fut capturé à Mayence, alors sous contrôle français. Après un procès retentissant, il fut condamné à mort et guillotiné en 1803, aux côtés de 19 autres criminels, dont son complice Schwarzer Jonas.
Après leur exécution, plusieurs corps furent récupérés à des fins scientifiques, une pratique courante à l’époque. Les squelettes de Schinderhannes et de Schwarzer Jonas furent ainsi conservés et étudiés, avant d’être intégrés aux collections anatomiques de l’Université de Heidelberg. Cependant, une erreur administrative survenue au 19e siècle conduisit à un échange d’identités entre les deux hommes. Pendant plus de 200 ans, les registres historiques et les expositions publiques ont alors présenté le mauvais squelette sous le nom de Schinderhannes, perpétuant ainsi une confusion qui n’a été corrigée qu’aujourd’hui grâce aux avancées scientifiques.

Une enquête scientifique digne d’un polar
Des chercheurs de l’Université de Heidelberg et d’autres experts internationaux ont entrepris de percer ce mystère. Leur étude, publiée dans Forensic Science International, a utilisé plusieurs méthodes pour analyser les restes humains.
L’une des premières méthodes employées fut l’analyse isotopique. En étudiant la composition chimique des os, les scientifiques ont pu déterminer l’origine géographique de l’individu. Les résultats ont révélé que l’un des squelettes appartenait à une personne ayant grandi dans une région où les sols sont constitués de sédiments géologiquement anciens. Ce détail a immédiatement attiré l’attention des chercheurs, car ces formations rocheuses sont typiques des chaînes de montagnes du Taunus et du Hunsrück, les terres natales de Schinderhannes.
En parallèle, une analyse ADN a été réalisée pour confirmer ces premiers indices. Les scientifiques ont comparé l’ADN mitochondrial du squelette à celui d’un descendant maternel de Schinderhannes, un arrière-arrière-petit-neveu ayant accepté de fournir un échantillon salivaire. L’examen génétique a révélé une correspondance parfaite, prouvant ainsi que les ossements appartenaient bien au célèbre hors-la-loi.
Un examen radiologique a également permis d’apporter des preuves supplémentaires. Les chercheurs ont observé des fractures et des déformations osseuses qui concordaient avec des blessures connues de Schinderhannes. Selon les archives historiques, il aurait eu le bras brisé par son complice Schwarzer Jonas lors d’une violente dispute. De plus, il se serait gravement blessé à la jambe en sautant d’une tour pour échapper à une arrestation. Ces indices physiques, en parfaite adéquation avec les récits historiques, ont permis de lever définitivement le doute sur l’identité du squelette.
Enfin, cette étude aura également permis de corriger certaines erreurs historiques. Contrairement aux représentations artistiques qui le montraient blond aux yeux clairs, l’analyse génétique suggère que Schinderhannes avait en réalité les cheveux noirs ou bruns, les yeux marron et la peau pâle.