Alors que la
course à la fusion nucléaire s’accélère à travers le monde, une
équipe de scientifiques suisses vient de franchir un cap crucial :
ils ont trouvé un moyen de mieux évacuer la chaleur dans les
réacteurs à fusion de type tokamak. Une avancée essentielle pour
éviter la surchauffe de ces machines à plasma extrême, et rendre la
fusion plus sûre et plus viable à grande échelle.
La chaleur, le talon
d’Achille des tokamaks
Les tokamaks, ces
réacteurs en forme de beignet qui utilisent des champs magnétiques
pour piéger du plasma à des millions de degrés, sont parmi les
candidats les plus prometteurs pour produire une énergie propre et (presque)
illimitée. Mais ils ont un point faible : une partie de la chaleur
finit toujours par s’échapper vers les parois du réacteur. Or, à
ces températures, la moindre interaction entre le plasma et les
matériaux du réacteur peut entraîner une détérioration rapide,
voire des dommages irréversibles.
Pour éviter cela, les
tokamaks modernes utilisent une zone spécifique appelée
divertor, conçue
pour recueillir les sous-produits de la réaction et les excès
thermiques. Cette zone repose sur un point particulier du champ
magnétique : le point
X, où les lignes de champ se croisent et canalisent
l’énergie excédentaire. Mais même cette configuration peine à
évacuer toute la chaleur sans risquer une surchauffe localisée.
Un second point X
pour sauver les parois
C’est ici
qu’intervient l’innovation de l’équipe de
l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne), qui
travaille sur le Tokamak
à Configuration Variable (TCV). En modifiant la géométrie
du champ magnétique, les chercheurs ont réussi à créer un
deuxième point X
dans la zone du divertor. Résultat : une sorte de « radiateur
magnétique » naturel, beaucoup plus efficace pour dissiper la
chaleur.
Baptisé
XPTR (pour
X-point target
radiator), ce nouveau dispositif améliore considérablement le
rayonnement thermique. L’excès d’énergie n’est plus concentré sur
un seul point, mais réparti plus largement, ce qui réduit l’usure
des matériaux. Le plasma surchauffé rayonne ainsi une plus grande
part de son énergie avant d’atteindre les surfaces sensibles.
Ce qui impressionne,
c’est que la technique est à la fois simple à mettre en œuvre et
facile à contrôler. Lors des expérimentations sur le TCV, les
conditions nécessaires au fonctionnement du XPTR se sont révélées
particulièrement accessibles. Le système offre également une
stabilité accrue : la position de la zone de refroidissement est
moins sensible aux fluctuations du plasma, ce qui réduit les
risques de surchauffe accidentelle.

Crédit :
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Crédits : Peter Hansen/istock
Une solution promise
à un avenir industriel
Cette avancée tombe à
point nommé. Des projets de tokamaks nouvelle génération, comme
SPARC, développé
par Commonwealth Fusion Systems et le MIT, pourraient bénéficier
directement de cette technologie. À terme, le concept XPTR pourrait
devenir un standard dans les réacteurs à fusion commerciale.
Les chercheurs
soulignent que le comportement thermique observé est directement
lié à la configuration magnétique, qu’il s’agisse de lignes de
champ fermées ou ouvertes. Cela ouvre la voie à toute une classe de
nouveaux dispositifs capables de refroidir efficacement les plasmas sans
compromettre leur confinement.
Une fusion plus
propre, plus sûre… et plus proche
Alors que les défis
restent nombreux, cette innovation dans la gestion de la chaleur
représente un tournant technique majeur. Refroidir efficacement un
plasma à des dizaines de millions de degrés, sans endommager le
réacteur, est une condition indispensable pour faire de la fusion
une réalité industrielle.
Avec cette percée, la
fusion nucléaire se rapproche un peu plus de son objectif : offrir
à l’humanité une source d’énergie propre, durable et pratiquement
inépuisable. Reste à transformer l’essai à l’échelle industrielle…
mais pour une fois, la température joue en notre faveur.