La rencontre entre la théorie quantique et la thermodynamique a toujours suscité l’intérêt et la perplexité des chercheurs. La deuxième loi de la thermodynamique, qui stipule que l’entropie d’un système isolé ne diminue jamais, a longtemps été perçue comme inviolable. Pourtant, une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université de Nagoya (Japon) et de l’Académie des sciences de Slovaquie apporte une révélation inattendue. En démontrant que la théorie quantique pourrait défier en certaines circonstances cette loi sans pour autant violer ses principes fondamentaux, ces chercheurs ouvrent la voie à de nouvelles perspectives dans la compréhension des systèmes quantiques et des technologies qui en découlent, comme l’informatique quantique.
La deuxième loi de la thermodynamique et le paradoxe de Maxwell
La deuxième loi de la thermodynamique est un principe fondamental en physique classique. Elle stipule que l’entropie, une mesure du désordre ou de l’énergie inutilisable dans un système, ne peut qu’augmenter au fil du temps dans un système isolé. Autrement dit, les systèmes ont tendance à évoluer vers un état de plus grand désordre et il est impossible de revenir spontanément à un état plus ordonné. Cette loi est essentielle pour comprendre des phénomènes comme le fonctionnement des moteurs thermiques et d’autres processus irréversibles.
Cependant, un paradoxe formulé par le physicien James Clerk Maxwell en 1867 remet en question cette loi. Maxwell imagine un « démon » hypothétique capable de trier les molécules d’un gaz en séparant les molécules rapides de celles lentes sans dépenser d’énergie. En faisant ce tri, le démon pourrait créer une différence de température entre les deux groupes de molécules.
Selon la logique classique, ce processus permettrait de faire circuler de la chaleur d’un endroit plus chaud vers un endroit plus froid, ce qui pourrait en théorie être utilisé pour produire du travail mécanique. Cela semble en contradiction avec la deuxième loi de la thermodynamique qui stipule qu’il est impossible de faire un tel transfert de chaleur sans qu’il n’y ait un autre réservoir plus froid avec lequel interagir ou sans que de l’énergie soit dépensée.
Les progrès de l’équipe de recherche et la mise en contexte :
L’étude récemment publiée dans npj Quantum Information par des chercheurs japonais et slovaques a cherché à explorer cette question sous un angle nouveau en utilisant les outils de la théorie quantique pour comprendre comment ces principes peuvent interagir. Leur travail repose sur une modélisation mathématique d’un « moteur démoniaque », inspiré du paradoxe de Maxwell, mais cette fois à l’échelle quantique.
Dans leur modèle, le démon de Maxwell interagit avec un système quantique en trois étapes : il mesure un système cible, en extrait du travail en le couplant à un environnement thermique, puis efface sa mémoire. S’il est bien exécuté, ce processus peut théoriquement aboutir à une situation où le travail extrait du système dépasse le travail dépensé, violant ainsi apparemment la deuxième loi de la thermodynamique.
La clé de la découverte : une interaction quantique sans violation inhérente
Les chercheurs ont souligné que bien que leurs résultats montrent que dans certaines conditions spécifiques, la loi pourrait sembler être transgressée, cela ne signifie pas que la deuxième loi de la thermodynamique soit fondamentalement violée. En effet, ils affirment que des processus quantiques peuvent être exécutés de manière totalement conforme à cette loi en réorganisant correctement les systèmes et en rééquilibrant l’entropie.
La véritable avancée de cette étude réside dans le fait qu’elle démontre que la théorie quantique n’est pas intrinsèquement incompatible avec la deuxième loi de la thermodynamique. « Nos résultats ont montré que dans des circonstances bien précises permises par la théorie quantique, il est possible d’extraire plus de travail qu’il n’en a été dépensé, mais cette situation n’enfreint pas pour autant la loi elle-même », explique Shintaro Minagawa, l’un des chercheurs principaux de l’étude. Cela suggère qu’il existe un terrain d’entente entre la mécanique quantique et la thermodynamique, des domaines souvent perçus comme opposés.

Les implications pour les technologies quantiques
Les découvertes de cette équipe ne se limitent pas à des considérations théoriques. Elles ont des répercussions concrètes pour les technologies quantiques de demain. La compatibilité entre les processus quantiques et la thermodynamique ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour des applications pratiques, telles que l’informatique quantique, les moteurs nanométriques et la gestion de la chaleur dans les circuits quantiques.
En effet, le contrôle de l’entropie et de la dissipation d’énergie est un défi majeur dans le développement de ces technologies. La recherche montre que des technologies comme l’informatique quantique, qui reposent sur des processus énergétiques à échelle réduite, pourraient être conçues de manière à respecter les principes thermodynamiques tout en tirant parti des effets quantiques.
Vers une nouvelle harmonie entre mécanique quantique et thermodynamique
L’étude a permis de réconcilier deux domaines de la physique qui semblaient fondamentalement indépendants. Tandis que la mécanique quantique offre une vision du monde des particules et des systèmes à échelle microscopique, la thermodynamique gouverne l’évolution des systèmes à grande échelle. Pourtant, cette recherche montre qu’il est possible de manipuler ces deux mondes sans conflit. En établissant une base solide pour de futures recherches et applications, cette découverte pourrait ouvrir des portes vers des technologies de pointe, notamment en ce qui concerne la gestion de l’énergie et l’informatique quantique.
Alors que la frontière entre la physique quantique et la thermodynamique s’estompe, de nouvelles perspectives s’ouvrent, offrant un cadre plus nuancé pour explorer les mystères de l’Univers et développer des technologies qui exploitent les principes fondamentaux de la nature de manière innovante et harmonieuse.