En proie à la désorganisation, à l’angoisse et/ou à l’excitation dans les aéroports, les voyageurs adoptent souvent des comportements inhabituels, voire irrationnels. Files d’attente chaotiques, achats impulsifs en duty-free, stress excessif à l’idée de rater un vol ou au contraire attitude désinvolte face aux horaires… Les aéroports semblent exercer une influence particulière sur notre psychologie. Mais pourquoi cet environnement bouleverse-t-il autant notre comportement ? La psychologie éclaire ce phénomène intrigant et dévoile des dérives facilitées par un élément en particulier : l’alcool.
Un lieu synonyme de perte de repères
Les aéroports font parfois l’objet d’études scientifiques, notamment en 2024 lorsque des chercheurs américains avaient affirmé que résider près d’un tel lieu pouvait être un facteur de surpoids et d’anxiété. Mais qu’en est-il de notre passage au sein des aéroports lorsque nous devons y prendre un vol ? Selon le psychologue Steve Taylor de l’Université Leeds Beckett (Royaume-Uni), les aéroports influencent fortement notre sociabilité.
Dans un article publié dans The Conversation le 31 janvier 2025, il affirme que dans les aéroports, les personnes adoptent plus souvent des comportements que l’on peut considérer comme étant inhabituels. En effet, certains y font entre autres du yoga, dorment à même le sol ou encore sont plus irritables et se disputent plus facilement. Si certains voyageurs voient dans le passage à l’aéroport le début de leur aventure et sont anormalement excités, d’autres ressentent de l’angoisse et ont tendance à consommer de l’alcool plus que d’ordinaire. De plus, la foule et le bruit ambiants sont des facteurs de stress supplémentaires pour les êtres humains.
« En raison du flou du temps et de l’espace, les aéroports créent un sentiment de désorientation. Nous nous définissons en termes de temps et de lieu. Nous savons qui nous sommes par rapport à nos routines quotidiennes et à nos environnements familiers et nous nous définissons également en termes de nationalité. Sans ces repères, nous pouvons nous sentir à la dérive, que ce soit en raison de facteurs psychologiques ou environnementaux et ce, même si ce n’est que temporaire », explique Steve Taylor.

L’alcool, un vrai problème dans les aéroports ?
Steve Taylor a évoqué la notion de lieux minces comme ceux décrits dans les cultures celtiques. Il s’agit de bosquets et de forêts sacrées où la limite entre le monde réel et le monde spirituel est mince. Les aéroports pourraient donc être considérés comme étant des lieux minces modernes où les frontières s’estompent. Après avoir passé la sécurité, les abords des portes d’embarquement peuvent être vus comme un genre de « no man’s land entre les pays ». La notion de temps est également plus floue, notamment en raison des fuseaux horaires. Or, cette perte du contrôle du temps peut aussi être source d’anxiété. Par ailleurs, les aéroports sont des lieux d’absence où chaque individu pense à son avenir proche et non au présent. Là encore, la frustration est de mise, qui plus est lorsque des vols sont retardés.
Les abords des portes d’embarquement sont aussi le théâtre de comportements prosociaux. Par exemple, certains sont plus enclins à partager leur projet de voyage avec des inconnus avec une intimité inhabituelle. On peut alors parler d’inhibition sociale. Or, si l’alcool favorise effectivement ce genre d’attitude, le fait d’être en état d’ébriété s’ajoute à la désorientation spécifique au lieu et peut donc aussi créer des problèmes. L’une des seules solutions possibles serait d’interdire l’alcool dans les aéroports, mais il est certain que de nombreux voyageurs et commerçants ne verraient pas cela d’un très bon œil.