Pendant longtemps, l’histoire d’Homo sapiens a été écrite comme celle d’une espèce qui évoluait principalement dans des environnements ouverts comme les savanes ou les zones côtières. Cependant, des découvertes récentes réalisées par des chercheurs de l’Institut Max Planck de géoanthropologie remettent en question cette vision. Elles révèlent en effet que nos ancêtres ont fréquenté les forêts tropicales bien plus tôt que ce que l’on pensait auparavant. Mais quand exactement l’Homo sapiens a-t-il commencé à s’installer dans ces forêts denses et complexes ? Une étude menée en Afrique de l’Ouest pourrait bien répondre à cette question et reposer les bases d’une révision importante de l’histoire humaine.
Le site de Bété I en Côte d’Ivoire
Les premières preuves solides de l’interaction de nos ancêtres avec les forêts tropicales remontent à environ 150 000 ans. C’est sur le site archéologique de Bété I, en Côte d’Ivoire, que les chercheurs ont découvert des traces significatives d’occupation humaine. Ce site a révélé des outils en pierre qui datent de cette époque, tels que des pioches et d’autres objets typiques des sociétés humaines anciennes.
Ce n’est pas tout : des analyses environnementales ont également permis de mettre en évidence des traces de végétation typiques des forêts tropicales denses. En étudiant les sédiments retrouvés sur le site, les chercheurs ont en effet découvert du pollen, des phytolithes (des résidus végétaux silicifiés) et des isotopes de cire de feuilles. Ces éléments ont permis de confirmer que la région était recouverte de forêts tropicales humides et non de simples clairières ou zones de transition. Ce constat a de quoi surprendre, car jusqu’ici, on pensait que les forêts tropicales n’étaient que des refuges temporaires pour Sapiens, utilisés en période de climat plus favorable.
Un habitat riche en biodiversité
Pourquoi ces forêts tropicales ont-elles joué un rôle si important dans l’histoire de nos ancêtres directs ? L’un des grands intérêts des forêts tropicales est leur diversité écologique. Ces environnements, riches en végétation et en ressources alimentaires, auraient offert à nos ancêtres un large éventail de possibilités pour se nourrir et se protéger. En se diversifiant et en s’adaptant à un environnement aussi complexe, l’Homo sapiens a dû développer des capacités nouvelles, tant en termes d’outils que de stratégies de survie. Cela pourrait expliquer l’une des raisons de son succès en tant qu’espèce dominante.
Les forêts tropicales ont également représenté des écosystèmes aux dynamiques spécifiques. Leur diversité végétale comme leur abondance en fruits, racines et autres ressources naturelles ont permis aux humains de s’adapter à différents types d’habitat et de développer des comportements de plus en plus complexes. Cette diversité aurait joué un rôle clé dans l’évolution des premières sociétés humaines. Cependant, les découvertes récentes soulèvent aussi des questions sur la façon dont ces premières populations humaines ont interagi avec leur environnement et si elles ont altéré leurs habitats naturels.

Une découverte qui remet en question notre vision de l’évolution humaine
Les conclusions tirées de ce site ivoirien, publiées dans Nature, s’inscrivent dans un cadre de plus en plus large qui remet en question l’idée selon laquelle l’Homo sapiens a d’abord évolué dans des espaces ouverts avant de migrer vers d’autres biomes. Au contraire, les forêts tropicales semblent avoir joué un rôle plus central dans la dispersion de notre espèce à travers différents écosystèmes. Cette découverte suggère donc une histoire plus complexe et nuancée de l’expansion humaine.
De plus, la recherche continue sur d’autres sites de la région ivoirienne pourrait bientôt fournir encore plus de preuves de l’habitation humaine dans ces forêts. Le site de Bété I n’est qu’un exemple parmi d’autres et l’analyse de ces découvertes pourrait offrir des informations précieuses sur la manière dont nos ancêtres ont interagi avec des habitats variés au cours de leurs premières migrations.