Et si la fin de
l’univers n’était pas aussi lointaine qu’on l’imaginait ? Bien sûr,
le terme est relatif : nous parlons ici de milliards de milliards
d’années dans le futur. Mais une nouvelle étude, menée par une
équipe de chercheurs néerlandais, suggère que l’univers pourrait se
désintégrer bien plus tôt que ce que prévoient les modèles
actuels.
Jusqu’à présent, les
estimations les plus prudentes situaient la « mort
thermique » de l’univers, ou sa désintégration totale, aux
alentours de 10¹¹⁰⁰ ans, soit un 1 suivi de 1100 zéros. La nouvelle
hypothèse ramène cette échéance à environ 10⁷⁸ ans. Cela reste
inconcevablement lointain, mais cela équivaut, pour donner une
image, à découvrir qu’au lieu de vivre 80 ans, vous n’avez plus
qu’un milliardième de seconde à vivre. Autant dire que, même à
l’échelle cosmique, la différence est vertigineuse.
Un nouveau regard sur le
rayonnement de Hawking
Tout part du
rayonnement de Hawking, cette hypothèse
révolutionnaire selon laquelle les trous noirs, loin d’être des
prisons absolues, émettent un rayonnement faible et finissent par
s’évaporer avec le temps. Ce rayonnement est produit lorsqu’une
paire de particules virtuelles apparaît à proximité de l’horizon
d’un trou noir : l’une tombe, l’autre s’échappe, entraînant une
perte de masse pour l’objet.
Mais selon les
chercheurs de l’université Radboud aux Pays-Bas, cette émission de
particules ne se limiterait pas aux environs immédiats de l’horizon
des événements. En étudiant la courbure de l’espace-temps, ils ont
découvert que le rayonnement de Hawking – ou un phénomène
équivalent – pourrait se produire à une plus grande distance, et
surtout, autour d’objets qui ne sont pas des trous noirs.
Cela signifie que des
corps comme les étoiles à neutrons, les naines blanches, et
potentiellement toute matière suffisamment compacte, pourraient eux
aussi émettre ce rayonnement et, lentement, se désintégrer.
Une durée de vie révisée pour
la matière
En intégrant cette
nouvelle forme de rayonnement dans leurs calculs, les chercheurs
ont estimé des durées d’évaporation bien plus courtes pour certains
objets :
Les étoiles à
neutrons et les trous noirs stellaires s’évaporeraient en environ
10⁶⁷ ans, une durée étonnamment similaire malgré des champs
gravitationnels très différents.Les naines blanches,
longtemps considérées comme quasi éternelles, disparaîtraient en
10⁷⁸ ans, contre les 10¹¹⁰⁰ ans traditionnellement avancés.Même des corps comme
la Lune ou le corps humain auraient une durée théorique de
désintégration, de l’ordre de 10⁹⁰ ans, bien qu’ils seront détruits
bien plus tôt par d’autres mécanismes.
Ce raccourcissement
considérable de l’espérance de vie cosmique suggère que la matière
dans l’univers est bien moins stable qu’on le pensait.
Et si notre univers n’était
pas le premier ?
L’une des
conséquences les plus inattendues de cette étude concerne
l’éventuelle détection de vestiges d’univers antérieurs. Si
certains objets comme les étoiles à neutrons peuvent survivre des
centaines de milliards d’années, leur existence dans notre univers
actuel pourrait trahir l’héritage d’un cycle cosmique plus
ancien.
Cela suppose
toutefois des conditions très particulières : un temps de
récurrence inférieur à 10⁶⁸ ans, et une configuration cosmologique
permettant à ces « fossiles » stellaires de réapparaître
dans un nouvel univers après une phase d’inflation. Si ces
hypothèses se vérifiaient, cela ouvrirait la voie à la détection de
matière fossile trans-universelle, une idée pour l’instant
hautement spéculative, mais captivante.

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Ce que cela change
D’un point de vue
pratique, rien ne change pour nous. Ces échéances dépassent de loin
la durée de vie du Soleil, de la Voie lactée, et de toute structure
reconnaissable dans l’univers observable. Mais sur le plan
théorique, les implications sont majeures.
Cette étude remet en
question des décennies de certitudes sur le rayonnement de Hawking,
et pose de nouvelles bases pour penser la stabilité de la matière,
la longévité des étoiles, et la structure à très grande échelle de
l’univers.
Comme l’explique
Walter D. van Suijlekom, co-auteur de l’étude, ces résultats sont
surtout une manière d’explorer les limites de la théorie. En
poussant la physique aux confins du temps et de l’espace, les
chercheurs espèrent mieux comprendre l’interaction entre la gravité
et la mécanique quantique, et peut-être, un jour, percer les
secrets du rayonnement de Hawking.
Une fin de l’univers plus
proche, mais toujours hors d’atteinte
En définitive, cette
nouvelle estimation ne fait que repousser (un peu) les frontières
de notre ignorance. Oui, l’univers pourrait s’éteindre plus vite
qu’on ne l’imaginait. Mais cela reste, pour nous, un concept
théorique plus qu’un horizon concret.
La fin ultime est
peut-être plus proche qu’on ne le croyait. Mais heureusement, il
nous reste encore suffisamment de temps pour continuer à
l’imaginer.
L’étude a été acceptée par le
Journal of Cosmology and Astroparticle Physics et est publiée sur
le serveur de pré-impression arXiv.