Une découverte récente pourrait bien redéfinir notre compréhension des premiers contacts humains à l’âge de pierre. Des chercheurs ont en effet mis en lumière des traces génétiques qui prouvent que des chasseurs-cueilleurs européens auraient traversé la mer Méditerranée pour arriver en Afrique du Nord il y a environ 8 500 ans. Ces résultats, publiés dans la revue Nature, apportent de nouvelles perspectives sur les migrations préhistoriques et les interactions entre les populations européennes et nord-africaines.
Une découverte génétique capitale
Cette recherche, menée par des scientifiques de l’Université de Vienne et d’autres institutions, a permis d’analyser l’ADN de ossements humains découverts dans l’est du Maghreb, une région qui couvre la Tunisie et le nord-est de l’Algérie. Ces restes, fouillés sur plusieurs sites archéologiques comme Afalou Bou Rhummel, Doukanet el Khoutifa, Djebba et Hergla, datent de 6 000 à 10 000 ans, une époque où l’Afrique du Nord était encore marquée par des sociétés de chasseurs-cueilleurs.
L’un des hommes étudiés, dont les ossements ont été retrouvés sur le site tunisien de Djebba, a révélé un aspect fascinant : environ 6 % de son ADN provenait d’une ascendance européenne, plus précisément de chasseurs-cueilleurs d’Europe. Ce résultat constitue la première preuve génétique directe d’interactions entre les populations européennes et nord-africaines au cours de l’ère préhistorique. Avant cette découverte, les preuves de telles connexions étaient principalement basées sur des spéculations faites à partir des caractéristiques morphologiques des squelettes.
Les migrations et les échanges entre Européens et Africains
Cette découverte suggère que des groupes de chasseurs-cueilleurs européens ont franchi la Méditerranée pour atteindre l’Afrique du Nord. Bien que la traversée de la mer Méditerranée semble être un exploit remarquable pour l’époque, les chercheurs avancent l’hypothèse que ces migrations se seraient effectuées en bateau, probablement à bord de longues pirogues en bois.
L’idée d’une navigation préhistorique peut sembler étonnante, mais elle est corroborée par des traces de verre volcanique provenant de l’île de Pantelleria, située dans le détroit de Sicile. Ce type de matériau a été retrouvé sur des sites en Afrique du Nord, ce qui suggère que ces groupes européens ont peut-être fait escale sur plusieurs îles de la Méditerranée au cours de leur voyage.
Cette traversée aurait permis aux chasseurs-cueilleurs européens de s’établir temporairement dans le Maghreb oriental, introduisant ainsi une influence génétique européenne dans la région. Cette nouvelle découverte enrichit notre compréhension des migrations humaines et des échanges culturels entre les peuples de l’Europe et de l’Afrique du Nord à cette époque lointaine.

Une Afrique du Nord encore mystérieuse
Contrairement à d’autres régions de l’Afrique du Nord, comme le Maghreb occidental qui a vu une forte influence des agriculteurs européens, le Maghreb oriental a montré un certain isolement génétique. En effet, bien que l’étude révèle une faible présence d’ascendance agricole européenne, l’influence génétique de ces agriculteurs ne dépasse pas 20 %, un chiffre bien inférieur à celui trouvé dans d’autres régions du Maghreb. Ce constat suggère que le Maghreb oriental est resté relativement préservé des migrations agricoles européennes qui ont transformé d’autres parties du continent, comme le Maroc et l’Algérie occidentale. Cette résistance génétique et culturelle de la région pourrait expliquer pourquoi l’agriculture n’a été pleinement adoptée dans le Maghreb oriental qu’après 1000 av. J.-C., bien après d’autres régions d’Afrique du Nord.
Cette faible influence agricole et la persistance de modes de vie traditionnels, comme la chasse et la cueillette, ont permis à ces populations d’évoluer de manière distincte, bien que des traces de contacts avec des populations européennes aient persisté, comme en témoigne l’ADN analysé.
Vers une nouvelle compréhension de l’histoire préhistorique
La découverte de ces liens génétiques entre chasseurs-cueilleurs européens et populations nord-africaines apporte un éclairage nouveau sur l’histoire des migrations humaines et des interactions culturelles. Elle montre que les premiers habitants de l’Afrique du Nord ont non seulement été influencés par les cultures européennes, mais ont également participé à des échanges maritimes et à des déplacements au-delà de leurs frontières géographiques. Ces contacts avaient des implications profondes pour l’évolution des sociétés humaines, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles dynamiques sociales et culturelles.