Découvrir un fossile exceptionnel est toujours un moment marquant pour les paléontologues, mais en retrouver un avec son dernier repas encore intact est une véritable rareté. C’est pourtant ce qu’a mis au jour une équipe de scientifiques australiens en étudiant Ferruaspis brocksi, une nouvelle espèce de poisson d’eau douce ayant vécu il y a quinze millions d’années. Cette découverte, faite sur le site fossilifère de McGraths Flat en Nouvelle-Galles du Sud, offre une fenêtre inédite sur les anciens écosystèmes d’Australie et sur les habitudes alimentaires de ces poissons préhistoriques.
Un fossile remarquablement préservé
Trouver un fossile complet est déjà un défi, mais celui de Ferruaspis brocksi est d’une qualité exceptionnelle. Trois spécimens ont été extraits d’une roche riche en fer, un environnement idéal pour préserver les moindres détails de ces organismes disparus.
La présence d’un contenu stomacal intact rend cette découverte encore plus extraordinaire et a permis aux chercheurs d’identifier ce que ce poisson avait mangé juste avant sa mort. Ce type de préservation est extrêmement rare, car les tissus mous se décomposent généralement bien avant que le processus de fossilisation ne commence. Grâce à des techniques d’imagerie avancées, les scientifiques ont pu examiner en détail ce dernier repas fossilisé, offrant un aperçu direct du régime alimentaire et du mode de vie de cette espèce disparue.
Ce que révèle son dernier repas
L’analyse du contenu stomacal de Ferruaspis brocksi a révélé qu’il se nourrissait principalement de petits organismes aquatiques, ce qui confirme son appartenance au groupe des osmériformes qui inclut aujourd’hui les éperlans et certaines espèces de poissons d’eau douce.
Les restes de proies retrouvés dans son estomac suggèrent que ce poisson vivait dans un environnement riche en vie, probablement une forêt tropicale humide où les cours d’eau abondaient en petits invertébrés et autres sources de nourriture. Cette découverte permet aux scientifiques de mieux comprendre le rôle écologique de cette espèce au sein de son habitat disparu.

Un instantané de l’Australie préhistorique
Le site fossilifère de McGraths Flat, où ce poisson a été découvert, est l’un des rares Lagerstätte australiens, un type de site où les fossiles sont préservés avec un niveau de détail exceptionnel. Les chercheurs estiment que cette région, aujourd’hui semi-aride, était il y a entre onze et seize millions d’années une forêt tropicale luxuriante qui regorgeait de biodiversité. En plus des poissons, des fossiles de plantes, d’insectes et d’autres créatures aquatiques y ont été retrouvés, ce qui a permis de reconstituer cet écosystème disparu avec une précision inédite.
La découverte d’un poisson fossilisé avec son contenu stomacal intact apporte ainsi une preuve directe de la chaîne alimentaire de cette époque et de la richesse des eaux préhistoriques australiennes.
Des couleurs fossilisées : un autre exploit scientifique
Autre aspect fascinant de cette découverte : les chercheurs ont pu reconstituer l’apparence du poisson, notamment ses couleurs. En utilisant un microscope puissant, ils ont en effet détecté des mélanosomes fossilisés, des structures responsables de la pigmentation des tissus. Ces analyses ont révélé que Ferruaspis brocksi possédait un dos plus foncé, un ventre plus clair et deux bandes latérales distinctes, un motif courant chez les poissons modernes pour se camoufler et échapper aux prédateurs.
Cette avancée est particulièrement significative, car si la technique avait déjà été utilisée pour les dinosaures à plumes, elle est inédite pour une espèce de poisson disparue depuis aussi longtemps.