L’engagement croissant envers la durabilité environnementale et les préoccupations concernant les émissions de gaz à effet de serre poussent également les consommateurs vers des options plus écologiques. Les acheteurs de voitures optent donc pour des véhicules hybrides ou électriques pour réduire leur empreinte carbone, mais aussi économiser sur les coûts de carburant. Ces voitures offrent une meilleure efficacité énergétique, des incitations fiscales, un bon confort de conduite et des avantages en matière de stationnement et de péages dans certaines régions. De plus, la technologie des batteries s’améliore, augmentant l’autonomie et réduisant les coûts. Cependant, ces véhicules ne sont pas parfaits. Une étude sur l’accidentologie vient notamment de démontrer que les voitures à batterie sont plus dangereuses que les voitures thermiques pour les piétons, mais comment l’expliquer ?
Voitures électriques vs thermiques : lesquelles vaut-il mieux croiser sur la route pour les piétons ?
Une étude britannique publiée le 21 mai 2024 dans le Journal of Epidemiology and Community Health a analysé les accidents impliquant des voitures électriques, hybrides et thermiques (essence et diesel). Les chercheurs, dirigés par Phil Edwards de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, ont ici examiné 916 713 victimes d’accidents de la route au Royaume-Uni entre 2013 et 2017, dont 120 197 piétons. À cela s’ajoutent par ailleurs des données provenant de 51,5 milliards de kilomètres parcourus en voiture électrique et de 4,8 billions de kilomètres en voiture thermique.
Les voitures thermiques étant toujours plus nombreuses actuellement, elles affichaient des nombres d’accidents plus élevés en volume. Sur la période étudiée, environ trois quarts des 96 000 piétons renversés par une voiture ou un taxi l’ont ainsi été par une voiture équipée à moteur diesel ou à essence contre deux pour cent seulement (environ 1 700 accidents impliquant des piétons heurtés) avec les véhicules à batterie, le tout avec une majorité d’incidents survenus dans des zones métropolitaines.
Toutefois, les tendances se renversent brusquement lorsque l’on rapporte les accidents aux kilomètres parcourus. Le taux devient alors largement défavorable aux voitures électriques ou hybrides qui paraissent alors bien plus dangereuses. En effet, à kilomètres identiques, le taux d’accidents pour les voitures électriques est deux fois plus élevé, toutes zones confondues (urbaines et rurales). En zone urbaine, les voitures électriques et hybrides sont même trois fois plus susceptibles de heurter des piétons que les véhicules à essence ou diesel. Le taux annuel moyen d’accidents impliquant des piétons pour les véhicules à batterie est ainsi finalement de 5,16 pour 100 millions de miles parcourus (environ 160 millions de kilomètres) contre seulement 2,40 pour les véhicules thermiques.
Comment expliquer de tels résultats ?
Bien que l’étude n’identifie pas clairement les raisons de tels écarts, elle envisage quelques pistes. Tout d’abord, les chercheurs expliquent que les voitures électriques sont plus largement plébiscitées par des conducteurs jeunes, potentiellement moins expérimentés derrière le volant. Par ailleurs, ils pensent que les véhicules à batterie étant plus silencieux, il peut être plus difficile de les entendre, notamment en milieu urbain où le bruit ambiant les rend encore moins audibles. « Les voitures électriques représentent un danger pour les piétons parce qu’elles sont moins susceptibles d’être entendues que les voitures à essence ou diesel », compare ainsi Phil Edwards, le principal auteur de l’étude et professeur d’épidémiologie et de statistique à l’École londonienne d’hygiène et de médecine tropicale.
Les véhicules électriques affichent enfin une masse souvent supérieure à celle de leurs homologues thermiques. Le scientifique estime donc que « le gouvernement doit atténuer ces risques s’il veut éliminer progressivement les voitures thermiques ».
Des résultats biaisés
À cause d’un problème d’archivage au niveau de la base de données utilisée, les scientifiques n’ont ici pu exploiter les informations que sur la période qui s’étend de 2013 à 2017. Ces résultats ne sont donc pas sans rappeler une autre étude de 2017 rapportée cette fois par le ministère américain des transports. Selon cet ancien rapport, les véhicules électriques représentaient un risque 20 % plus élevé pour les piétons en comparaison des modèles thermiques et même 50 % de plus dans le cas d’un déplacement à faible vitesse (en dessous de 30 km/h).
Or, depuis 2017, les voitures munies de batterie ont reçu des améliorations notables. Depuis 2019, il est notamment obligatoire dans l’Union européenne pour ces véhicules de posséder un système sonore. Cela va ainsi alerter de leur présence à faible vitesse, une conduite synonyme d’accidents plus fréquents. Une grande partie n’en bénéficiant pas, Phil Edwards estime toutefois qu’il faudrait l’équiper rétroactivement sur les modèles plus anciens. D’ici là, ce statisticien appelle tous les usagers de la route à une vigilance plus poussée. Comme il l’explique en effet, « les piétons ont appris à naviguer sur les routes en écoutant le trafic » et comme le rappelle la présente étude, cela semble pas toujours suffire pour que tous partagent l’espace public en toute sécurité.
Voitures électriques ou pas : les bruits sont mal entendus lorsqu’ils viennent de l’arrière
N’oublions pas que des travaux ont d’ores et déjà démontré que même les véhicules plus bruyants ne sont pas forcément mieux entendus par les piétons, cyclistes et conducteurs dès lors que le bruit provient de derrière, un phénomène qui s’explique par le fait que la propagation du son est décorrélée de la vitesse de l’objet qui l’émet. C’est la raison pour laquelle même avec la fenêtre ouverte, vous pouvez ne vous rendre compte que l’on vous dépasse qu’au moment où l’autre conducteur arrive à votre hauteur. Et avec le brouhaha ambiant en ville, tendre l’oreille ne suffit pas toujours à bien entendre les véhicules environnants.
