La Dernière
Cène, décrite dans les Évangiles, est l’un des moments les plus
emblématiques de l’histoire chrétienne, marquant à la fois la
trahison de Judas et l’institution de l’Eucharistie par Jésus. Des siècles après cet
événement historique, les chercheurs continuent de fouiller les
archives archéologiques à la recherche de preuves tangibles, mais
aussi pour mieux comprendre les lieux associés à cette scène
sacrée. Une récente découverte dans le Cénacle, la salle située à
Jérusalem où la Cène serait survenue, a intrigué la communauté
scientifique et religieuse : des messages cachés gravés sur ses
murs. Ces inscriptions dévoilent des détails fascinants sur les
pèlerins médiévaux et leur interaction avec ce site sacré. Mais que
révèlent-elles vraiment sur l’histoire de la région et la relation
de l’humanité avec la tradition chrétienne ?
Le Cénacle, un lieu historique
et sacré
La Dernière Cène
aurait eu lieu dans une « grande salle haute » (Marc 14:15), mais
aucune source historique précise n’a jamais identifié de façon
certaine l’emplacement exact de ce lieu. La tradition chrétienne,
cependant, place l’événement sur le Mont Sion, dans la vieille
ville de Jérusalem. Après plusieurs siècles de destructions et
reconstructions, un bâtiment appelé le Cénacle a été érigé au Moyen
Âge sur ce site. Ce lieu est désormais un des points de pèlerinage
les plus importants pour les chrétiens du monde entier. L’édifice
actuel, qui remonte à l’époque des Croisades, est
devenu un centre de dévotion et d’études.
Cependant, ce n’est
pas seulement l’importance spirituelle de l’endroit qui suscite de
l’intérêt. Les archéologues ont récemment mis au jour des
inscriptions gravées sur les murs du Cénacle, qui datent de
plusieurs siècles après l’événement chrétien. Ces messages,
apparemment laissés par des pèlerins médiévaux, offrent un aperçu
fascinant sur la manière dont ces visiteurs ont vécu leur propre
relation avec ce lieu sacré.
Les messages cachés : un
témoignage des pèlerins médiévaux
L’une des découvertes
les plus intéressantes concerne les inscriptions laissées par des
pèlerins ayant visité Jérusalem au Moyen Âge.
Parmi les plus
notables figure une inscription de Johannes Poloner de Ratisbonne,
un voyageur médiéval qui a décrit son pèlerinage dans un ouvrage
daté de 1421-1422. Dans son récit, Poloner fait une référence
explicite au Cénacle, le désignant comme le lieu de la Dernière
Cène, soulignant son importance dans la tradition chrétienne.
Il écrit : « Or,
dans l’église du mont Sion, où se trouve aujourd’hui le
maître-autel, à cet endroit même, le Christ soupa avec ses
disciples, leur donnant son propre corps et son propre sang ; c’est
pourquoi le Christ l’appela la Grande Cène. »
Cette inscription
montre l’importance du lieu pour les pèlerins et comment il était
perçu comme un point central du christianisme, bien avant que les
fouilles modernes ne commencent à l’étudier. Le texte écrit à la
main sur les murs témoigne aussi du fait que, même au Moyen Âge,
les croyants étaient profondément ancrés dans la tradition du
Christ et de la Cène, et se rendaient sur ce site pour se
rapprocher spirituellement des événements fondateurs du
christianisme.

Crédit :
iStock
Cénacle historique sur le mont Sion. Crédits : Erica
Fagien/istock
Des découvertes liées aux
nobles et aux rois
Les scientifiques ont
également identifié d’autres inscriptions, dont celles appartenant
à Tristram von Teuffenbach, un noble styrien qui a fait un
pèlerinage à Jérusalem en 1436. Son nom est gravé aux côtés
d’armoiries et d’autres symboles familiaux, ajoutant une dimension
sociale à cette découverte.
Teuffenbach faisait
partie d’une expédition dirigée par l’archiduc Frédéric de
Habsbourg, futur empereur du Saint-Empire romain germanique. Ce
lien avec la noblesse et la royauté souligne l’importance de ce
site pour des figures influentes de l’époque. Ces inscriptions nous
montrent que le Cénacle attirait non seulement des pèlerins simples
mais aussi des élites religieuses et politiques, une tradition qui
perdure jusqu’à aujourd’hui.
Des découvertes plus
anciennes : un témoignage médiéval fascinant
Une inscription datée
de Noël 1300 a également été identifiée. Bien qu’il soit difficile
de l’attribuer à un auteur précis, cette inscription semble avoir
été rédigée dans un style typique de la noblesse arménienne. Cette
période correspond à des luttes géopolitiques complexes en Terre
Sainte, où différentes puissances comme le royaume arménien
d’Arménie et le royaume de Géorgie s’affrontaient avec les
Mamelouks. Elle pourrait donc aussi servir à renforcer l’idée selon
laquelle des royaumes chrétiens orientaux ont joué un rôle central
dans l’histoire de Jérusalem au Moyen Âge.
Que nous disent ces messages
?
Ces découvertes, bien
qu’elles ne prouvent pas de manière irréfutable que le Cénacle ait
été le lieu exact de la Dernière Cène, offrent un éclairage
précieux sur la façon dont ce site a été perçu au fil des siècles.
Les inscriptions gravées sur ses murs témoignent de la diversité
géographique et culturelle des pèlerins qui ont cherché à se
connecter à un moment fondamental de l’histoire chrétienne.
Elles révèlent
également une perspective différente de l’histoire des pèlerinages
en Terre Sainte, loin de la vision occidentale traditionnelle. Ces
messages ajoutent à notre compréhension de la spiritualité
médiévale, tout en élargissant notre vision de l’importance du
Cénacle dans le monde chrétien.
En somme, ces
inscriptions gravées sur les murs du Cénacle enrichissent notre
savoir sur ce lieu sacré, tout en nous montrant comment, à travers
les siècles, l’humanité a continuellement cherché à s’ancrer dans
un héritage spirituel. Ces messages sont bien plus que des
graffitis anciens ; ils sont le témoignage d’une dévotion qui
traverse les âges.