Des nouveaux fossiles de théropodes datant de la période du Crétacé ont été découverts à Victoria, en Australie, dont deux spécimens de mégaraptoridés et deux carcharodontosaures. Ces fossiles, qui fournissent la première preuve de la présence de ce groupe de dinosaures dans ce pays, bouleversent notre compréhension de l’écosystème préhistorique de cette région. Ils permettent également de mieux saisir les dynamiques des écosystèmes du Gondwana, le supercontinent qui rassemblait à l’époque l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australie et l’Antarctique.
Deux nouveaux carcharodontosaures
Ces découvertes de fossiles en Australie, dans le groupe de Strzelecki et la formation d’Eumeralla, datent de la période du Crétacé, entre 121,4 et 108 millions d’années. Ces fossiles ont révélé la présence de deux carcharodontosaures, des dinosaures carnivores d’une taille comprise entre deux et quatre mètres. Cette découverte est d’une importance capitale, car elle constitue la première preuve de l’existence de carcharodontosaures sur le continent australien, jusqu’alors inconnus dans cette région.
Le carcharodontosaure était l’un des plus grands prédateurs carnivores du Crétacé, largement répandu en Amérique du Sud, où il atteignait des tailles impressionnantes, parfois jusqu’à treize mètres de long, ce qui en faisait un concurrent redoutable du Tyrannosaurus rex. En Australie, toutefois, ces spécimens étaient plus petits, mais leur présence modifie profondément notre compréhension de l’écosystème préhistorique local. Alors qu’en Amérique du Sud, les carcharodontosaures dominaient les chaînes alimentaires, en Australie, ces prédateurs se retrouvent en compétition avec d’autres groupes de théropodes, ce qui met en lumière la diversité des hiérarchies alimentaires entre continents.
Cette découverte bouscule nos idées préconçues sur la faune préhistorique australienne qui était jusque-là perçue comme plus isolée et moins riche en grands prédateurs. En apportant de nouvelles informations sur ces carnivores de taille modeste, ces fossiles offrent un aperçu précieux de l’écosystème australien du Crétacé où les relations entre prédateurs et proies semblent avoir suivi une évolution différente de celle observée dans d’autres parties du monde.
L’apparition des mégaraptoridés
En complément des carcharodontosaures, les paléontologues ont découvert deux spécimens de mégaraptoridés dans les mêmes formations fossiles. Ces dinosaures, qui mesuraient entre six et sept mètres de long, sont les plus anciens représentants des mégaraptoridés connus à ce jour. Leur apparition dans ces strates fossiles constitue une avancée majeure dans la compréhension de ce groupe de théropodes carnivores.
Les mégaraptoridés, qui sont souvent comparés à d’autres grands prédateurs comme les dromaeosauridés, étaient des carnivores particulièrement rapides et agiles, et leur taille imposante suggère qu’ils étaient des prédateurs efficaces. Ce groupe a évolué principalement dans des régions à hautes latitudes et c’est en Australie qu’ils ont montré qu’ils pouvaient prospérer bien avant leur apparition dans d’autres régions du monde. Leur présence à cette époque nous renseigne sur l’évolution et la dispersion des grands carnivores sur le supercontinent du Gondwana.
Cette découverte est d’autant plus fascinante qu’elle nous permet de comprendre que contrairement à d’autres théropodes de cette période, les mégaraptoridés ont atteint une grande taille dès leurs premières apparitions dans les archives fossiles, bien avant d’autres membres de leur groupe. Ce fait souligne non seulement l’adaptabilité des espèces aux environnements spécifiques, mais aussi l’évolution rapide et l’expansion de ce groupe dans des régions aux conditions climatiques extrêmes. Les mégaraptoridés apportent ainsi une nouvelle perspective sur la diversité des grands carnivores du Crétacé et enrichissent notre connaissance de la faune théropode du Gondwana.

Des implications pour la théorie des échanges fauniques
Les découvertes récentes de fossiles de carcharodontosaures et de mégaraptoridés en Australie apportent des éléments nouveaux qui viennent enrichir la théorie des échanges fauniques entre les continents au Crétacé. Selon le Dr Thomas Rich, conservateur principal de la paléontologie des vertébrés au Museums Victoria Research Institute, ces fossiles constituent des preuves tangibles d’échanges fauniques qui ont eu lieu entre l’Australie et l’Amérique du Sud en passant par l’Antarctique à une époque où ces continents faisaient encore partie du supercontinent du Gondwana.
Avant la séparation des continents, il était courant que la faune d’une région se déplace et se disperse sur de vastes distances grâce à des corridors écologiques. Cette hypothèse, longtemps soutenue, mais difficilement prouvée, trouve aujourd’hui des éléments concrets dans ces découvertes fossiles.
La présence de ces fossiles en Australie suggère aussi que la faune australienne a joué un rôle clé dans les écosystèmes du Gondwana, bien avant la séparation des continents. Cela remet en question les hypothèses qui présumaient que l’Australie avait une faune plus isolée et distincte qui évoluait indépendamment des autres continents. Les découvertes montrent que loin de se développer de manière isolée, la faune australienne était en réalité bien connectée aux autres régions du Gondwana et ces échanges fauniques ont sans doute joué un rôle crucial dans l’évolution et la diversification des espèces au Crétacé.
Ces résultats offrent ainsi une meilleure compréhension des dynamiques écologiques du passé et éclairent la manière dont les espèces se sont déplacées à travers les différents continents avant leur séparation définitive. Ils ouvrent aussi la voie à de nouvelles recherches sur les interactions entre les espèces et sur les facteurs qui ont influencé leur répartition à l’échelle du Gondwana.