Chaque jour, environ huit milliards d’êtres humains se réveillent et traversent leur existence en accomplissant une multitude d’activités. Certains passent des heures au travail, d’autres s’occupent de leurs enfants, cuisinent, se divertissent ou prennent du temps pour eux. Mais si l’on fusionnait toutes ces expériences en une seule journée moyenne, à quoi ressemblerait-elle ? Une équipe de chercheurs de l’Université McGill a tenté de répondre à cette question en compilant des données issues de 145 pays. Leur analyse, publiée en 2023 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, offre une vision fascinante et inédite de la manière dont l’humanité consomme son temps.
Le temps, une ressource universelle mais inégalement répartie
L’étude révèle qu’un être humain moyen passe environ 9,1 heures par jour à dormir ou à se reposer. Ce chiffre peut sembler élevé pour un adulte actif, mais il inclut les besoins en sommeil des nourrissons, des enfants et des personnes âgées.
Une fois éveillé, l’individu type consacre 4,6 heures aux loisirs et aux interactions sociales. Ce temps englobe des activités telles que regarder la télévision, jouer, lire, pratiquer une activité artistique, rencontrer des amis ou simplement ne rien faire.
Les repas et leur préparation occupent en moyenne 2,5 heures par jour, tandis que l’hygiène personnelle (toilette, habillage, soins) prend environ 1,1 heure. L’entretien du foyer, comprenant le ménage et la maintenance des lieux de vie, mobilise en moyenne 0,8 heure quotidienne.
Le travail, souvent perçu comme une activité prédominante, ne représente en réalité que 2,6 heures par jour en moyenne. Cette durée, bien inférieure à une journée de travail classique, s’explique par le fait que de nombreuses personnes ne travaillent pas (enfants, retraités, personnes au foyer, chômeurs), ce qui dilue la moyenne globale. De la même manière, l’éducation, qui concerne surtout les jeunes générations, représente seulement 1,1 heure par jour sur l’ensemble de la population mondiale.
Enfin, un constat frappant concerne les activités productives essentielles comme la construction, la fabrication de biens et l’extraction des ressources. Ces tâches ne mobilisent que 0,8 heure par jour en moyenne, ce qui signifie que la construction des infrastructures humaines – routes, maisons, objets du quotidien – ne mobilise que 3 % du temps collectif mondial.
Les disparités entre pays riches et pays pauvres
Si ces chiffres reflètent une moyenne mondiale, ils masquent d’importantes différences entre les régions du monde.
Dans les pays à hauts revenus, les individus passent environ 1,5 heure de plus chaque jour à des loisirs, aux repas et à des activités physiques que ceux vivant dans des pays pauvres. À l’inverse, dans les régions les plus défavorisées, une part bien plus importante du temps est consacrée à des tâches fondamentales, comme l’agriculture et la récolte des aliments. Alors que dans les pays riches, une personne ne consacre en moyenne que 5 minutes par jour à produire sa nourriture, cette activité prend plus d’une heure quotidienne dans les pays les plus pauvres.
Cependant, certaines habitudes transcendent les frontières. Partout sur la planète, nous consacrons un temps relativement similaire à l’alimentation, aux déplacements, à l’hygiène et à la toilette.

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Crédits : Verin Makcharoen/istockPourquoi cette étude est-elle importante ?
Ce travail marque la première grande publication du Projet Chronome Humain, une initiative visant à constituer une base de données mondiale sur l’organisation du temps humain. En comprenant comment nous répartissons notre temps collectivement, les chercheurs espèrent que nous pourrons mieux gérer cette ressource précieuse et réfléchir à des moyens d’optimiser notre mode de vie.
Derrière ces statistiques, une question fondamentale se pose : exploitons-nous notre temps de la meilleure manière possible ? La répartition des heures de la « journée humaine mondiale » offre un instantané fascinant de notre civilisation et de ses priorités. À l’heure où le monde fait face à des défis majeurs – réchauffement climatique, automatisation du travail, intelligence artificielle – cette étude pourrait nous aider à prendre des décisions plus éclairées sur la manière dont nous souhaitons utiliser notre temps, en tant qu’individus et en tant qu’espèce.
Après tout, le temps est la seule ressource véritablement universelle. Il appartient à chacun de décider comment le dépenser.