En analysant un minuscule point de peinture prélevé sur la Joconde, l’un des plus célèbres tableaux de Léonard de Vinci, des chercheurs ont découvert de nouveaux indices sur le mélange utilisé par le peintre.
Un tableau encore mystérieux
Léonard de Vinci, né en 1452 en Italie, est considéré comme un génie polymathe de la Renaissance. Peintre renommé, il était aussi inventeur, scientifique, ingénieur, anatomiste ou encore philosophe. La Joconde, peinte entre 1503 et 1506, est l’une de ses peintures les plus emblématiques. Elle représente Lisa Gherardini, l’épouse de Francesco del Giocondo, d’où provient le nom « La Gioconda ».
Le tableau est non seulement connu pour son expression énigmatique, sa perspective innovante, mais aussi pour son utilisation du sfumato, une technique de peinture qui crée des transitions douces entre les couleurs et les tons, donnant une apparence floue aux contours.
Cependant, malgré la renommée mondiale de la Joconde et les nombreuses études et analyses qui ont été menées sur la peinture au fil des siècles, il subsiste encore certaines interrogations et mystères à son sujet, notamment en ce qui concerne la manière dont Léonard de Vinci a mélangé et appliqué les couleurs, ce qui nous ramène à ces travaux.
Un minuscule point de peinture analysé
En analysant une minuscule goutte de peinture (diamètre d’un cheveu humain) prélevée dans le coin supérieur droit du tableau, une équipe de chercheurs a pu révéler la composition chimique de la substance.
Pour ce faire, l’équipe a utilisé la diffraction des rayons X synchrotron à haute résolution angulaire et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier.
La première technique permet d’étudier la structure des cristaux et la disposition des atomes à l’intérieur d’un matériau. Plus concrètement, des rayons X synchrotron sont générés par des accélérateurs de particules et dirigés vers l’échantillon. La façon dont ils sont diffractés par les atomes permet de déterminer la structure cristalline de l’échantillon avec une grande précision.
La « spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier » permet de son côté d’analyser les interactions entre la matière et la lumière infrarouge. Cette technique est utilisée pour étudier les vibrations moléculaires dans les échantillons.
Plus concrètement, lorsque de la lumière infrarouge est dirigée sur un échantillon, certaines fréquences spécifiques sont absorbées par les molécules. En analysant ces fréquences, on peut obtenir des informations sur les types de liaisons chimiques et les groupes fonctionnels présents dans un matériau.

De la poudre d’oxyde de plomb pour épaissir et sécher la peinture
Dans l’article, les chercheurs décrivent un « mélange singulier d’huile fortement saponifiée à haute teneur en plomb et d’un pigment blanc de plomb appauvri en cérusite ». Pour rappel, le processus de saponification consiste en une réaction chimique entre l’huile de lin et une base alcaline (comme la potasse ou la soude) pour former des savons. Lorsque l’huile est fortement saponifiée, cela signifie que cette réaction chimique a été poussée plus loin, créant une peinture plus dense.
Toutefois, ce qui a le plus surpris les scientifiques était la présence de plombonacrite, un composé stable rare que l’on trouve uniquement dans un environnement alcalin.
« Leonardo s’est probablement efforcé de préparer une peinture épaisse adaptée au revêtement du panneau en bois de la Joconde en traitant l’huile avec une forte charge d’oxyde de plomb II« , indique l’étude. Les chercheurs pensent que Léonard de Vinci a probablement dissous la poudre d’oxyde de plomb de couleur orange avec de la chaleur dans de l’huile de lin ou de noix. Cela aurait donné un mélange de peinture plus épais qui aurait également séché rapidement.
L’utilisation de cette poudre d’oxyde de plomb pour épaissir et sécher la couche de base de la Joconde était probablement une approche nouvelle au début des années 1500. La technique s’est démocratisée par la suite, ce qui prouve une fois de plus que Léonard de Vinci était un avant-gardiste.
En conclusion, l’analyse minutieuse d’un infime fragment de peinture de la Joconde continue de révéler les prouesses techniques de Léonard de Vinci. La découverte de l’utilisation d’un mélange complexe d’huile saponifiée et d’oxyde de plomb témoigne de l’avant-gardisme du maître de la Renaissance. Cette nouvelle recherche met en lumière non seulement son ingéniosité en matière de techniques picturales, mais aussi son esprit d’innovation qui a marqué durablement l’histoire de l’art. Alors que la Joconde conserve encore une part de mystère, chaque nouvelle découverte enrichit notre compréhension du génie de Léonard de Vinci, confirmant sa place unique dans le panthéon des grands créateurs.
Les détails de l’étude sont publiés dans le Journal of the American Chemical Society.