On les pensait inoffensifs, voire protecteurs. Et pourtant, les nuages qui survolent les océans semblent de moins en moins capables de renvoyer la lumière solaire vers l’espace. En clair : ils laissent passer plus de chaleur, contribuant à un réchauffement accru de la planète. Un phénomène récemment mis en lumière par des chercheurs britanniques, qui soulève un paradoxe troublant : et si l’air plus propre que nous respirons aujourd’hui… favorisait indirectement le changement climatique ?
Des nuages réfléchissant moins la lumière solaire
Le pouvoir réfléchissant d’une surface, autrement dit sa capacité à renvoyer les rayons du soleil porte un nom : l’albédo. Compris entre entre 0 et 100, la valeur de l’albédo défini cette capacité réfléchissante, 0 correspondant à une surface absorbant tous les rayons et 100, à une surface renvoyant tous les rayons.
Il y a quelques années, des chercheurs avaient découvert que la fonte de la glace de mer en Antarctique avait pour conséquence une augmentation de la capacité de l’océan à absorber la lumière du soleil. Si ce phénomène s’ajoute aux émissions de gaz à effet de serre (GES) dont le rôle dans le réchauffement climatique n’est plus à prouver, un autre phénomène vient d’être mis à jour dans le cadre d’une étude publiée dans la revue Environmental Research Letters le 11 mars 2025.
Selon les experts en météorologie de l’Université de Reading (Royaume-Uni), ce phénomène se déroule dans le ciel. Au-dessus de la mer, les nuages réfléchissent moins de lumière solaire qu’auparavant. Ceci concerne diverses régions du globe, notamment le large des côtes de la Chine, de la Californie (États-Unis) et de la Namibie.

Crédits : capture infographie / Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSL)
Plusieurs incertitudes persistent
Comme le rappellent les auteurs de l’étude, la Terre est une sorte de miroir revoyant la lumière du soleil vers l’espace. Or, ce miroir devient de plus en plus « sale » au fil du temps. Toutefois, plusieurs interrogations demeurent en ce qui concerne le processus. En effet, les chercheurs ne savent pas encore si les nuages « fondent » sous l’effet de l’augmentation des températures ou si la pollution atmosphérique éclaircissant habituellement le fameux miroir est en train de s’estomper. Précisons tout de même qu’en brulant divers combustibles fossiles, l’humanité émet des gaz à effet de serre mais également des aérosols tels que les oxydes de soufre (SOx), capables de générer des nuages.
Après avoir examiné le réchauffement à l’œuvre entre 2022 et 2023, les auteurs ont découvert que la surface de l’océan avant subi un réchauffement plus rapide que l’évaluation qui en avait été faite en incluant seulement l’influence de l’effet de serre sur sa capacité à absorber la lumière. Pour les chercheurs, il se pourrait que la chaleur se concentre dans une couche de l’océan moins profonde qu’habituellement. Il est également possible que la chaleur en excès faisant l’objet d’un stockage dans les couches plus profondes remontent vers la surface, une théorie à associer aux conditions du phénomène El Nino en 2023, lorsque l’eau chaude des fonds marins avait regagné la surface dans l’océan Pacifique.
L’étude a également permis d’évoquer le cas de la Chine, particulièrement touchée par cette baisse de l’albédo, celle-ci s’expliquant certainement par les importants efforts de réduction de la pollution atmosphérique. Néanmoins, si réduire la pollution de l’air est bénéfique sur le plan de la santé publique, un air plus propre laisse davantage de lumière solaire traverser l’atmosphère et les nuages, augmentant ainsi le réchauffement en surface. Or, le phénomène se déroulant en Chine est tel que ce dernier pourrait bouleverser certains modèles climatiques plus larges, notamment dans le Pacifique Nord.