Dans l’univers feutré des félins domestiques, peu de races attirent autant l’attention que le Bengal. Avec sa robe tachetée rappelant les grands félins sauvages, ce chat semble tout droit sorti de la jungle. Mais au-delà de son apparence spectaculaire, une découverte génétique récente révèle une autre facette tout aussi fascinante : certains chats du Bengale scintillent littéralement à la lumière, comme s’ils étaient saupoudrés de paillettes. Ce phénomène, baptisé « glitter », intrigue les scientifiques et révèle un mystère génétique aussi rare qu’éblouissant.
Un pelage qui brille
Le pelage scintillant de certains Bengals n’est pas un simple effet optique ou une illusion. Sous certains éclairages, leurs poils reflètent la lumière comme des diamants. Ce phénomène n’est ni répandu ni intentionnellement recherché à l’origine, mais il est rapidement devenu un trait convoité chez les éleveurs passionnés.
Une équipe de chercheurs de l’Institut HudsonAlpha de biotechnologie s’est penchée sur ce mystère en analysant l’ADN de plus de 3 000 chats Bengal. Leur objectif : identifier le facteur génétique à l’origine de cette brillance inhabituelle. Leurs travaux, publiés dans Current Biology, ont révélé que ce trait, baptisé « glitter », est lié à une mutation sur le gène Fgfr2, un récepteur de croissance des fibroblastes.
Un gène à double tranchant
Ce gène Fgfr2 joue un rôle fondamental chez tous les mammifères, notamment dans le développement embryonnaire et la formation des organes. Une mutation complète de ce gène est généralement mortelle, mais dans le cas des Bengals, il s’agit d’une altération modérée, qui modifie la structure du poil sans compromettre la santé de l’animal.
« Nos résultats montrent qu’une réduction partielle de Fgfr2 provoque la manifestation d’un trait désirable, principalement au niveau des poils », résume la généticienne Kelly McGowan, co-auteure de l’étude. Ce changement rend le poil plus fin et plus lisse, ce qui explique la façon unique dont il réfléchit la lumière.
Fait étonnant : ce trait ne provient pas du léopard d’Asie, ancêtre sauvage du Bengal, mais serait apparu de manière spontanée au cours de l’élevage. Sur les millions de chats analysés dans les bases de données génétiques, seulement 5 513 sont porteurs de ce gène altéré. Pourtant, environ 60 % de la population de Bengals en sont porteurs, preuve de sa forte prévalence au sein de la race.

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Crédits : andreaskrappweis/istockUn félin pas comme les autres
Le Bengal était déjà une race à part. Créée dans les années 1960 en Californie, elle résulte d’un croisement entre un chat domestique (Felis catus) et le léopard d’Asie (Prionailurus bengalensis). Bien que ces deux espèces partagent une certaine ressemblance physique, elles sont génétiquement très éloignées : leur dernier ancêtre commun remonte à six millions d’années, soit davantage que la distance génétique entre humains et chimpanzés.
Ce mélange confère au Bengal une série de caractéristiques uniques. En plus de son apparence, ce chat est extrêmement actif, curieux et joueur. Contrairement à la plupart des félins domestiques, il adore l’eau, ce qui le rapproche davantage de son ancêtre sauvage que du chat de salon classique.
Mais cette énergie débordante peut poser problème. En raison de leur besoin accru de stimulation mentale et physique, certains experts déconseillent de les adopter si l’on ne peut leur offrir suffisamment d’espace ou d’activité. Dans certaines villes comme New York, il est même interdit d’adopter un Bengal s’il n’est pas séparé d’au moins six générations de son ancêtre sauvage.
Entre admiration et responsabilité
Le scintillement des Bengals n’est pas qu’un joli détail : il symbolise à lui seul la complexité de l’élevage félin moderne. D’un côté, cette mutation rare crée un effet spectaculaire qui renforce la fascination pour ces chats. De l’autre, elle pose des questions sur les limites de la domestication et sur la responsabilité éthique des éleveurs.
Qu’on les admire pour leur beauté ou qu’on les interroge pour leur caractère plus sauvage, les Bengals restent une merveille de la génétique féline. Et maintenant que l’on sait que certains d’entre eux brillent littéralement comme des diamants, il y a fort à parier qu’ils continueront de faire parler d’eux… pour longtemps.