Dans les
profondeurs de l’Univers, un monstre cosmique est en train de
perdre les pédales. Le quasar PDS 456, un trou noir
supermassif situé à 2,5 milliards d’années-lumière de la Terre, est
devenu le théâtre d’un phénomène d’une violence inouïe : des
rafales de gaz surchauffé sont expulsées à des vitesses proches de
celle de la lumière. Grâce à l’observatoire spatial XRISM, piloté
par l’agence spatiale japonaise (JAXA), les astronomes ont enfin pu
observer en détail cette tempête galactique — et ce qu’ils ont
découvert dépasse tout ce qu’ils imaginaient.
Un quasar hors de contrôle
Un quasar est l’un des
objets les plus lumineux de l’univers. Il s’agit d’un trou noir
supermassif qui dévore activement de la matière, générant une
énergie colossale. Lorsqu’une quantité suffisante de gaz, de
poussière ou même d’étoiles s’approche de son horizon, cette
matière s’échauffe à des températures extrêmes, produisant une
lumière capable d’éclipser toute une galaxie.
PDS 456 est un géant
de 1,5 milliard de masses solaires. Situé relativement
« près » à l’échelle cosmique, il est étudié depuis des
années, mais la mission XRISM (X-ray Imaging and Spectroscopy
Mission) vient de lever le voile sur un aspect particulièrement
étrange de son comportement.
Des vents ultra-rapides… en
« boulettes »
Les chercheurs ont
identifié dans ce quasar des vents de plasma ultra-rapides — des
jets de gaz ionisé projetés à des vitesses ahurissantes : 20 à 30 %
de la vitesse de la lumière. Mais ce qui les a le plus surpris,
c’est la structure de ces vents. Contrairement à ce que l’on
pensait, ils ne sont pas diffus ni homogènes. Ils sont fragmentés,
agglutinés en véritables « balles » de plasma expulsées à
très grande vitesse.
En analysant les
données, publiées dans Nature, l’équipe a distingué
cinq types de gaz différents, chacun avec sa propre vitesse. Cette
complexité, jamais observée auparavant à cette échelle, permet de
reconstituer un phénomène proche de rafales tirées par un canon
cosmique.
Et ce n’est pas qu’un
feu d’artifice : chaque année, PDS 456 éjecte assez de matière pour
former entre 60 et 300 étoiles semblables à notre Soleil. Cette
matière ne s’échappe pas au hasard — elle provient des 0,1
année-lumière les plus proches du trou noir. Cela fait de PDS 456
un laboratoire unique pour observer l’interaction entre trous noirs
et galaxies.
Quel impact sur l’évolution
galactique ?
Ces vents ne sont pas
qu’un spectacle impressionnant : ils sont au cœur de ce que les
astrophysiciens appellent la « rétroaction » des trous
noirs. En expulsant de grandes quantités de matière et d’énergie,
un quasar peut influencer l’évolution de sa galaxie hôte, voire
freiner la formation de nouvelles étoiles en chassant le gaz
nécessaire à leur naissance.
Mais jusqu’ici, le
mécanisme précis de cette rétroaction restait obscur. Grâce à
XRISM, les scientifiques peuvent désormais cartographier ces
éjections avec une précision sans précédent. Cela pourrait aussi
éclairer les liens entre l’activité d’un trou noir et la croissance
(ou le déclin) de sa galaxie.

Une illustration d’une galaxie avec un quasar — un trou noir
supermassif brillant et actif — en son cœur. Crédits : NASA, ESA et
J. Olmsted
Une question ouverte : PDS
456 est-il unique ?
Pour l’instant, PDS
456 reste un cas à part. L’équipe de recherche s’emploie à observer
d’autres quasars similaires pour comprendre si ces
« balles » de plasma ultra-rapides sont une
caractéristique commune, ou si ce quasar est une exception
cosmique.
Comme l’explique la
chercheuse Valentina Braito, de l’Institut national d’astrophysique
à Milan :
« PDS 456 est un
laboratoire précieux pour l’étude des vents très puissants produits
par les trous noirs supermassifs dans l’univers local. Cette
nouvelle observation nous a permis de mesurer la géométrie et la
distribution des vitesses du vent avec un niveau de détail
impensable avant l’avènement de XRISM. »
L’univers, toujours
plus extrême
À mesure que nos
instruments gagnent en précision, l’univers nous révèle des
phénomènes de plus en plus extrêmes. PDS 456 nous rappelle que même
les trous noirs, ces symboles d’absorption et de silence, peuvent
aussi exploser de violence et de lumière. Une violence ordonnée,
fascinante, et peut-être déterminante pour comprendre notre
cosmos.