(Agence Ecofin) - L’entrepreneuse tech américano-camerounaise Rebecca Enonchong a été mise en garde à vue dans le cadre d’une affaire privée de succession. Elle aurait contesté une décision de justice qui lui était défavorable. Ce qu’un magistrat a qualifié d’outrage, justifiant ainsi son arrestation. Des milieux diplomatiques et médiatiques y voient une affaire politique.
La mise en garde à vue à la Légion de gendarmerie du Littoral, le 10 août 2021, de l’entrepreneuse tech de renommée internationale Rebecca Enonchong (photo), suscite une vague de critiques y compris dans les milieux diplomatiques. L’une des réactions les plus remarquées est celle de Tibor Nagy, l’ex-sous-secrétaire d’État américain aux affaires africaines : « Le gouvernement camerounais n’a-t-il pas honte, même Poutine (le président Russe NDLR), fait preuve de plus de finesse lorsqu’il emprisonne les gens pour leurs opinions politiques », a tweeté le diplomate américain. Convaincus que l’entrepreneuse tech est victime d’un abus de pouvoir, plusieurs autres ambassadeurs occidentaux accrédités à Yaoundé demandent sa libération comme de nombreux anonymes sur les réseaux sociaux.
Selon des sources judiciaires, le problème de Mme Enonchong est parti d’un différend sur la succession de son père décédé en 2008 et porté devant les tribunaux civils. Elle aurait manifesté sa désapprobation suite à des décisions prises par des juges. Ce qui a été interprété par l’un d’eux comme un acte d’outrage à magistrat.
Les mêmes sources reconnaissent qu’il n’est pas impossible que la dame soit victime d’abus. Elles expliquent, par exemple, qu’il existe des étapes dans l’établissement d’un fait d’outrage à magistrat et que l’arrestation de la personne accusée n’intervient éventuellement qu’à la fin. On ignore, au niveau actuel des informations disponibles, si cette procédure a été respectée ou non. Mais les proches de Rebecca Enonchong font savoir qu’elles n’ont pas vu de plainte écrite jusqu’ici.
Au Cameroun, les dysfonctionnements dans l’appareil judiciaire font régulièrement l’objet de dénonciation. Dans son dernier rapport sur l’État de la lutte contre la corruption au Cameroun, la Commission nationale anti-corruption (Conac) cite la justice parmi les services administratifs les plus visés par les accusations de corruption. Dans une correspondance adressée au président de la République, le 23 novembre 2018, le président de la Conac, Dieudonné Massi Gams, dénonce même la « corruption rampante des magistrats ».
NB : La garde à vue de Rebecca Enonchong a pris fin ce vendredi 13 août en fin d'après midi.
Idriss Linge
Corruption : Dieudonné Massi Gams fait le procès du système judiciaire