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19 000 km sur les rails : le plus long voyage en train du monde… que personne n’a jamais fini !

19 000 km sur les rails : le plus long voyage en train du monde… que personne n’a jamais fini !

  • mercredi 14 mai 2025
  • 6

Traverser
l’Europe, l’Asie centrale et du
Sud-Est en train, depuis la côte portugaise jusqu’à Singapour, sur
près de 19 000 kilomètres : l’idée fait rêver. Treize pays, huit
fuseaux horaires, des montagnes, des steppes, des mégapoles
tentaculaires, tout cela à bord d’un train, sur un trajet continu,
lent, terrestre, presque méditatif. Un voyage à rebours du monde
moderne. Mais ce périple légendaire, aussi fascinant soit-il… n’a
jamais été réalisé. Et pour cause : il est presque impossible à
accomplir aujourd’hui.

Une odyssée ferroviaire qui se
heurte au réel

L’itinéraire théorique
commence à Lagos, paisible station balnéaire du sud du Portugal, et
s’achève à Singapour, ville-État futuriste au bout de l’Asie du
Sud-Est. Entre les deux : des dizaines de trains à enchaîner, des
horaires discontinus, des postes-frontières parfois hostiles, et
surtout une infrastructure morcelée. Ce n’est pas une ligne
directe. C’est un puzzle logistique fait de vingt correspondances
ou plus, nécessitant des réservations distinctes, souvent dans des
langues différentes, et parfois sur des sites web obscurs.

Les premières étapes
du trajet — Portugal, Espagne, France — sont les plus simples.
Malgré la suppression du train de nuit Lisbonne–Hendaye, des
alternatives existent via Madrid ou Barcelone pour rejoindre la
France. De Paris, il est encore possible de rejoindre Berlin ou
Varsovie, puis de filer vers l’est. Mais au-delà, le rêve commence
à se fissurer.

Le verrou russe et la
géopolitique en travers des rails

Jusqu’en 2020, le
Paris-Moscou Express offrait une liaison directe entre l’Europe
occidentale et la Russie. Ce lien stratégique a été suspendu,
d’abord pour cause de pandémie, puis en raison des sanctions
européennes imposées après l’invasion de l’Ukraine. Aujourd’hui,
plus aucun train international ne franchit les frontières russes ou
biélorusses en provenance de l’UE. Une rupture majeure.

Dans un monde apaisé,
le Transmongol aurait pris le relais : une ligne mythique reliant
Moscou à Pékin via Oulan-Bator. Mais même cet itinéraire est
aujourd’hui restreint, voire fermé à certains passagers. Une autre
alternative, le Transmandchourien, contourne la Mongolie, mais le
problème demeure : l’accès à ces lignes dépend désormais autant de
la diplomatie que des rails.


voyage train

Carte détaillée du plus long trajet en train au monde, chaque étape
étant indiquée par une couleur différente. Les trajets les plus
longs sont ceux de Moscou à Pékin et de Paris à Moscou. Ces deux
trajets posent problème en raison des sanctions contre la Russie.
Crédit : htGoSEVe/Reddit

Chine : la grande vitesse
comme promesse

Une fois arrivé en
Chine, tout change. Le pays dispose du plus vaste réseau de trains
à grande vitesse du monde. Pékin et Kunming, par exemple, sont
reliées par une ligne de 2 760 km parcourue en à peine 11 heures.
C’est à ce moment précis du voyage que l’idée d’un futur
ferroviaire mondial redevient tangible.

Depuis Kunming, le train peut descendre jusqu’à Vientiane,
la capitale du Laos, via la LCR (Laos-China Railway), une prouesse
technique ouverte en 2021. Longue de 1 035 km, cette ligne traverse
jungles et montagnes, en passant par 75 tunnels et 167 ponts. C’est
sans doute le tronçon le plus impressionnant du voyage — mais aussi
le dernier à grande vitesse avant un net ralentissement.

Asie du Sud-Est : lenteur et
fragmentation

Entre le Laos, la
Thaïlande, la Malaisie et Singapour, le réseau ferroviaire existe,
mais il est vétuste, lent, et parfois chaotique. Vientiane–Bangkok
? Douze heures, dans un train couchette classique. Bangkok–Kuala
Lumpur ? Jusqu’à 24 heures, avec un changement obligatoire à la
frontière. Enfin, Kuala Lumpur–Singapour ? Un trajet de 350 km qui
prend encore 6 heures, avec une fréquence réduite.

Des projets de lignes
à grande vitesse sont bien en cours, notamment entre Kuala Lumpur
et Singapour, mais ils peinent à se concrétiser, ralentis par des
désaccords politiques et des budgets colossaux.

Peut-on encore parler d’un
seul voyage ?

Ce trajet
Lagos–Singapour, sur près de 19 000 km, n’est pas un voyage
continu. C’est une succession d’expéditions, souvent éprouvantes,
toujours fragmentées. Et cela soulève une question plus profonde :
est-ce encore un « voyage en train » si chaque segment doit être
réservé séparément, si chaque gare exige un transfert complexe, et
si les réseaux ne sont reliés que par l’imagination du voyageur
?

Le paradoxe du navire
de Thésée trouve ici un écho ferroviaire. Si vous changez de train
vingt fois, si chaque wagon, chaque voie, chaque pays est différent
— s’agit-il toujours du même périple ? Ou simplement d’une suite
d’itinéraires juxtaposés ?

Le plus long trajet continu
existe pourtant

Curieusement, un
record subsiste bel et bien : celui du plus long voyage en train
sans rupture de service. Il ne part pas du Portugal et ne va pas
jusqu’à Singapour, mais relie Moscou à Pyongyang, en Corée du Nord.
Ce trajet de 10 214 km, via la Transsibérienne, s’effectue en sept
jours et vingt heures, avec un seul changement à Oussouriisk, près
de Vladivostok. Étrange ironie : le voyage ferroviaire le plus long
et le plus continu au monde traverse l’un des pays les plus fermés
de la planète.

Un rêve pour demain ?

Malgré les obstacles,
ce rêve de relier l’Europe à l’Asie du Sud-Est par voie ferrée
n’est pas mort. Le projet de chemin de fer panasiatique, porté par la Chine,
ambitionne de relier Kunming à Singapour via la Thaïlande et la
Malaisie grâce à un réseau de lignes à grande vitesse. Certains
segments sont déjà achevés, comme Kunming–Vientiane. D’autres sont
en construction. Si l’ensemble se concrétise, un trajet de moins de
24 heures entre la Chine et Singapour deviendra possible.

Et qui sait ?
Peut-être qu’un jour, ce mythe ferroviaire qu’est Lagos–Singapour
cessera d’être un fantasme de globe-trotteur pour devenir
l’itinéraire le plus emblématique du voyage lent. Un chemin
terrestre à travers les continents, entre le passé romantique du
rail et les promesses technologiques de demain.

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