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Un hybride entre Sapiens et Neandertal : ce que nous savons de l’enfant Lapedo

Un hybride entre Sapiens et Neandertal : ce que nous savons de l’enfant Lapedo

  • lundi 10 mars 2025
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Des chercheurs ont utilisé une nouvelle méthode de datation au radiocarbone pour déterminer l’âge de l’enfant Lapedo qui présentait à la fois des traits néandertaliens et d’humains modernes. Que nous disent les résultats ?


Un enfant hybride au cœur du Portugal

En 1998, des paléoanthropologues découvrent le squelette d’un enfant dans l’abri sous roche de Lagar Velho, dans la vallée de Lapedo, au centre du Portugal. Dès les premières analyses, ce squelette suscite la curiosité : il présente une mosaïque de traits physiques qui appartiennent à la fois aux humains modernes et aux Néandertaliens. L’enfant a un menton proéminent, caractéristique des Homo sapiens, mais aussi des jambes courtes et trapues typiques des Néandertaliens. Cette particularité en fait un individu hybride, un témoignage rare et précieux des croisements entre ces deux espèces humaines.

À la fin des années 1990, cette découverte suscite néanmoins la controverse. À l’époque, l’idée que Néandertaliens et Homo sapiens aient pu se croiser est encore très débattue et largement remise en question dans la communauté scientifique. Beaucoup pensent que les Néandertaliens ont disparu sans laisser de descendance directe et l’idée d’un hybride entre les deux espèces semble peu probable, faute de preuves génétiques solides.

De plus, la découverte de l’enfant de Lapedo et de sa mosaïque de traits physiques atypiques ne cadre pas avec les modèles évolutifs alors dominants. Certains chercheurs estimaient ainsi que ces caractéristiques pouvaient être dues à des variations normales au sein des populations humaines modernes plutôt qu’à un métissage.


Une méthode de datation révolutionnaire

Il faudra attendre le séquençage du premier génome néandertalien en 2010 pour confirmer que des métissages ont bien eu lieu entre Néandertaliens et Homo sapiens. Jusqu’à aujourd’hui, la datation précise de l’enfant de Lapedo demeurait cependant une énigme. L’un des plus grands défis liés à l’étude de ce squelette résidait dans sa datation. Les méthodes traditionnelles de datation au radiocarbone avaient déjà été tentées à quatre reprises, mais les résultats variaient entre 20 000 et 26 000 ans, sans offrir de certitude. Ces imprécisions s’expliquaient par des problèmes de conservation et de contamination des échantillons.

Pour lever ces incertitudes, les chercheurs ont utilisé une technique innovante : l’analyse au radiocarbone spécifique au composé (CSRA). Concrètement, elle fonctionne en extrayant des composés organiques spécifiques (comme les acides aminés du collagène osseux), puis en les purifiant chimiquement pour éliminer toute contamination moderne avant de mesurer leur teneur en carbone 14, ce qui permet une datation beaucoup plus précise.

Grâce à cette technique, l’équipe de recherche a pu établir que l’enfant de Lapedo a vécu entre 25 830 et 26 600 avant J.-C., soit il y a environ 28 000 ans. Cette nouvelle datation, bien plus ancienne que les estimations précédentes, change la perspective sur la présence de ces populations hybrides en Europe.


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Une illustration du squelette de l’enfant Lapedo montrant l’emplacement des échantillons et des objets enterrés avec l’enfant. Crédits : G. Casella

Des rituels funéraires remis en question

Outre l’âge du squelette, l’étude s’est aussi intéressée aux objets trouvés dans la tombe : les ossements d’un jeune lapin posés sur le corps de l’enfant, des os de cerf rouge près de son épaule et du charbon de bois sous ses jambes. Ces éléments avaient été interprétés comme des offrandes rituelles liées à des pratiques funéraires.

Cependant, la méthode CSRA a révélé que seuls les os de lapin étaient contemporains de l’enfant. Toutefois, les os de cerf rouge et le charbon de bois se sont avérés bien plus anciens, suggérant qu’ils étaient déjà présents sur le site avant l’enterrement. Cette découverte remet en cause l’idée d’un rituel funéraire élaboré et laisse penser que l’offrande se limitait peut-être au lapin.

Une pièce clé du puzzle de l’évolution humaine

Au-delà des aspects archéologiques, cette étude publiée dans Science Advances apporte des informations précieuses sur les interactions entre Néandertaliens et Homo sapiens. Bien que nous ne disposions pas encore de preuves génétiques pour l’enfant de Lapedo, sa morphologie hybride confirme l’existence de croisements entre ces deux espèces. Cette période de cohabitation, qui s’étend sur plusieurs milliers d’années, a probablement permis des échanges biologiques et culturels dont nous commençons à peine à mesurer l’ampleur.

Les chercheurs espèrent que cette nouvelle datation ouvrira la voie à d’autres découvertes. En affinant les méthodes d’analyse, ils pourront mieux comprendre la durée et les conditions de cette coexistence, ainsi que les raisons de la disparition des Néandertaliens il y a environ 40 000 ans.

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