Il y a environ quatre milliards d’années, un astéroïde colossal (bien plus grand que celui qui a provoqué l’extinction des dinosaures) a frappé Ganymède, la plus grande lune de Jupiter. Cette collision a non seulement créé le plus grand cratère d’impact du Système solaire, mais a également modifié l’axe de rotation de cette lune. Des simulations récentes ont permis de recréer cet impact colossal et de fournir des aperçus fascinants sur la formation et l’évolution de Ganymède.
Une surface marquée
Les premières preuves de cette collision ont été observées dans les années 1980. Les chercheurs ont découvert que la surface de Ganymède, particulièrement sur sa face cachée (celle opposée à Jupiter), était marquée par des structures géologiques uniques : des anneaux concentriques de tranchées étroites, appelées sillons, qui semblaient entourer les restes d’un immense cratère d’impact. Ces caractéristiques ont suggéré une collision majeure, bien plus vaste que ce que l’on observait habituellement sur d’autres corps célestes.
L’analyse de photos prises par des sondes spatiales ultérieures, comme la sonde New Horizons de la NASA, a confirmé ces observations. Les images ont montré que la surface de Ganymède est couverte de cicatrices profondes et complexes, ce qui indique une histoire géologique tumultueuse marquée par une collision cataclysmique. Toutefois, ces observations ne fournissaient que des indices partiels sur la taille et la nature exacte de l’impact.

Un impact de titan
Pour reconstituer l’ampleur de cette collision, l’astronome Naoyuki Hirata de l’Université de Kobe au Japon a récemment utilisé des données sur les caractéristiques géologiques de Ganymède, notamment les sillons et les cratères qui marquent la surface de la lune. Ces données ont été intégrées dans des simulations informatiques sophistiquées afin de permettre aux chercheurs de calculer la taille du cratère d’impact avec une précision inédite.
Les résultats montrent que le cratère d’impact initial mesurait environ 1 600 kilomètres de large. Cette dimension est tout simplement stupéfiante. À titre de comparaison, le cratère de Vredefort, en Afrique du Sud, le plus grand cratère d’impact connu sur Terre, mesure environ 300 kilomètres de large, soit environ dix fois moins que celui de Ganymède. Cette comparaison met en lumière la magnitude exceptionnelle de l’événement.
Selon l’étude, l’astéroïde à l’origine de ce cratère colossal aurait eu un diamètre estimé à environ 150 kilomètres. Pour mettre cela en perspective, c’est environ quinze fois plus grand que la météorite de Chicxulub qui a précipité l’extinction des dinosaures il y a environ 66 millions d’années. La collision sur Ganymède représente par conséquent une force de frappe beaucoup plus grande que tout ce que nous avons observé dans notre propre Système solaire.
Les conséquences de l’impact
L’impact n’a pas seulement laissé un cratère gigantesque, il a également modifié l’axe de rotation de Ganymède. La collision aurait en effet fait dévier la lune de son axe d’origine de la même manière que la collision avec Théia a incliné l’axe de la Terre, entraînant finalement le développement des saisons que nous connaissons aujourd’hui. Ce déplacement aurait alors eu des effets importants sur la lune, affectant potentiellement son climat et ses conditions internes.
Les simulations ont également montré un phénomène intéressant concernant le cratère d’impact sur Ganymède. Peu importe l’endroit exact où l’astéroïde a percuté la lune, le cratère se retrouverait toujours sur la face opposée de Ganymède, loin de Jupiter.
Pourquoi cela ? Lorsqu’un astéroïde frappe une lune, il génère une énorme explosion qui éjecte des débris et des matériaux dans l’espace. Ces débris et l’impact lui-même exercent des forces qui modifient la structure interne de la lune. Les simulations ont montré qu’en raison de ces forces et des effets gravitationnels générés par la collision, le cratère tend à se localiser sur la face de Ganymède opposée à Jupiter. Cela signifie que même si l’impact se produit à un endroit différent, le cratère aura tendance à se former sur la face opposée à la direction de Jupiter en raison de la manière dont les débris sont projetés et répartis. Ce phénomène est en grande partie dû à la dynamique complexe de l’impact et aux effets de la gravité qui influencent la formation du cratère et sa localisation sur la lune.

Encore des questions sans réponses
Les résultats de ces simulations fournissent ainsi de nouvelles perspectives sur l’évolution de Ganymède, mais ils soulèvent également des questions importantes sur son intérieur et son océan souterrain présumé. Bien que l’impact ait laissé des traces visibles sur la surface, les effets thermiques et structurels de cette collision sur l’intérieur de la lune n’ont pas encore été entièrement explorés.
Les scientifiques attendent donc avec impatience les prochaines missions spatiales pour approfondir ces recherches. En 2034, la sonde Jupiter Icy Moons Explorer (JUICE) de l’Agence spatiale européenne (ESA) devrait effectuer un survol rapproché de Ganymède. Cette mission pourrait fournir des données cruciales sur l’intérieur de Ganymède et offrir des indices sur l’impact géant qui a façonné la lune.