Dans les enquêtes criminelles qui impliquent des agressions sexuelles, l’analyse ADN se concentre souvent sur la détection du sperme de l’agresseur, preuve d’un rapport sexuel. Mais que se passe-t-il lorsqu’aucune trace de sperme n’est présente ? Une nouvelle étude apporte une réponse prometteuse : les bactéries. En effet, il s’avère que les fluides ne sont pas les seuls éléments que nous échangeons avec nos partenaires sexuels. En effet, tout comme nos empreintes digitales, la composition bactérienne de notre microbiome génital est unique et elle se transfère lors des rapports sexuels. Cette découverte, appelée sexome, pourrait révolutionner les enquêtes judiciaires en matière d’agressions sexuelles et aider à identifier les auteurs, même en cas d’utilisation de préservatifs.
Les méthodes actuelles d’identification des agresseurs
Actuellement, les enquêteurs s’appuient principalement sur l’analyse de l’ADN pour identifier les auteurs d’agressions sexuelles. Cela implique généralement de prélever des échantillons biologiques sur le corps de la victime, sur ses vêtements ou sur la scène de crime. L’objectif principal est de détecter les spermatozoïdes contenant l’ADN de l’agresseur grâce à des examens microscopiques et à des techniques de coloration spécifiques. Lorsqu’une trace de sperme est retrouvée, les scientifiques procèdent à l’extraction de l’ADN, souvent par amplification par réaction en chaîne par polymérase (PCR) afin d’établir un profil génétique à comparer à celui des suspects.

En l’absence de sperme due à l’usage d’un préservatif, à une faible concentration de spermatozoïdes ou à d’autres facteurs, les enquêteurs peuvent aussi rechercher l’ADN dans les cellules épithéliales (également appelées ADN de contact) ou dans d’autres fluides corporels, comme la salive ou le sang. Toutefois, ces échantillons peuvent être rares, dégradés ou contaminés, ce qui rend l’obtention d’un profil génétique clair difficile. Cette limitation met en évidence la nécessité de méthodes médico-légales alternatives. C’est là qu’intervient une toute nouvelle approche basée sur les preuves bactériennes.
Le sexome : une solution prometteuse
Des chercheurs de l’Université Murdoch, à Perth, en Australie-Occidentale, ont découvert que des espèces bactériennes uniques sont échangées entre partenaires lors des rapports sexuels. Or, ces signatures microbiennes, désignées sous le terme de sexome, pourraient servir de preuves médico-légales, même en l’absence de marqueurs ADN traditionnels.
Leur étude, publiée dans la revue iScience, a été réalisée auprès de douze couples hétérosexuels monogames âgés de vingt à trente ans. Les chercheurs ont prélevé des échantillons de frottis génitaux sur chaque participant, puis ont utilisé le séquençage des gènes ARN pour identifier leurs populations bactériennes spécifiques. Grâce à cette technologie avancée, ils ont cartographié les souches bactériennes propres à chaque individu.
Des résultats plutôt probants tous facteurs confondus
Après une période d’abstinence de deux à quatorze jours, les couples ont eu des rapports sexuels, certains en utilisant des préservatifs. L’étude a alors révélé que l’utilisation d’un préservatif n’empêchait pas totalement le transfert des signatures microbiennes. « Lorsque l’on utilisait un préservatif, la majorité du transfert s’effectuait de la femme vers l’homme », explique Ruby Dixon, une doctorante qui travaille sur cette recherche. « Cela ouvre la possibilité de tester un agresseur après une agression et suggère qu’il pourrait exister des marqueurs microbiens indiquant un contact sexuel, même en cas d’usage de préservatif. »


Les chercheurs ont également examiné des facteurs tels que la circoncision et la présence ou l’absence de poils pubiens, ce qui a démontré que cela a peu d’impact sur le transfert bactérien. En revanche, ils ont observé que la menstruation pouvait modifier le microbiome vaginal, ce qui pourrait influencer les résultats.
Utiliser le sexome pour résoudre des crimes : une piste, mais encore un long chemin à parcourir avant l’adoption de cet outil
« Cette recherche repose sur le concept médico-légal selon lequel tout contact laisse une trace », rappelle Brendan Chapman, l’investigateur principal de l’étude. « Jusqu’à présent, peu d’études ont exploré les microbiomes vaginal et pénien dans un contexte médico-légal. Cette étude montre que nous pouvons observer les traces microbiennes laissées par les microbiomes génitaux de couples hétérosexuels après un rapport sexuel. »
« L’application du sexome dans les enquêtes sur les agressions sexuelles en est encore à ses débuts », tient toutefois à préciser sa collègue Ruby Dixon. « Il est essentiel de comprendre complètement les facteurs externes susceptibles d’influencer la diversité microbienne chez les hommes et les femmes, et c’est un aspect que nous prévoyons de continuer à étudier. »
Bien que cette méthode médico-légale en soit encore à ses prémices, son potentiel reste néanmoins considérable. Au fur et à mesure que les chercheurs approfondiront l’étude du sexome, cette approche innovante pourrait transformer les investigations criminelles et offrir de nouvelles voies pour soutenir les survivants et les efforts pour leur rendre justice.
Les enjeux du microbiome génital au-delà de la criminalistique

Au-delà des enquêtes médico-légales, mieux comprendre le sexome revêt également une importance pour la santé. « Plus généralement, mieux nous comprenons la relation que nous entretenons avec les passagers bactériens de notre corps, mieux nous pourrons les utiliser pour améliorer notre santé », ajoute Chapman. « Nous savons déjà à quel point le microbiome intestinal est crucial pour la santé digestive, et il en va probablement de même pour le sexome : il pourrait offrir une protection au microenvironnement vaginal et peut-être même influencer la fertilité. » Affaire à suivre…
Vous pouvez consulter l’étude sur ce lien.