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Ces larves affichent un faux visage sur leur derrière pour infiltrer les colonies de termites

Ces larves affichent un faux visage sur leur derrière pour infiltrer les colonies de termites

  • mercredi 19 février 2025
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Dans la nature, les animaux doivent redoubler d’ingéniosité pour survivre. Pour certains, cela passe par le fait de berner les autres espèces grâce au mimétisme. Le monde des insectes est notamment connu pour être le terrain de jeu favori de ce type d’imposteurs qui pourraient faire rougir John Travolta dans Volte/Face ou Arya Stark dans Game of Thrones par leur habileté imparable. Nichées dans des montagnes marocaines, des larves de mouches récemment découvertes en sont un exemple particulièrement amusant et insolite. Elles ont en effet mis au point une technique inédite et fascinante pour infiltrer les colonies de termites qui consiste à… arborer un faux visage au niveau de leurs fesses. Et apparemment, cela leur réussit, car elles arrivent à passer incognito et prospérer auprès de ces colonies.


Une découverte totalement fortuite

Pour la première fois, une équipe internationale a identifié une espèce de mouche à viande dont les larves parviennent à s’infiltrer dans les colonies de termites moissonneurs (Anacanthotermes ochraceus). Publiée dans la revue Current Biology, cette découverte réalisée dans la chaîne de l’Anti-Atlas, au sud du Maroc, dévoile des adaptations morphologiques et chimiques uniques qui jettent un éclairage passionnant sur l’évolution de ces mouches et leurs interactions avec d’autres espèces. Pourtant, cette trouvaille exceptionnelle pourrait ne jamais avoir eu lieu.

« C’est une découverte fortuite. Dans notre groupe de recherche, nous étudions principalement les papillons et les fourmis. Comme il avait beaucoup plu et que les papillons ne volaient pas, nous avons cherché des fourmis. En soulevant une pierre, nous avons trouvé une termitière avec trois larves de mouches que nous n’avions jamais vues auparavant. L’eau avait probablement inondé les couches profondes du nid, poussant les larves à remonter à la surface », se rappelle Roger Vila, chercheur à l’IBE et auteur principal de l’étude. « Ce doit être une espèce extrêmement rare, car lors de trois autres expéditions dans la même zone, après avoir soulevé des centaines de pierres, nous n’avons trouvé que deux autres larves, ensemble, dans une autre termitière », ajoute le chercheur.

larves imitent termites
Un termite à gauche et une larve à droite. Crédits : Roger Vila et coll. Current Biology, 2025.

De surprise en surprise : des larves qui ont pensé à tout

Dans ces travaux publiés dans Current Biology, les chercheurs décrivent comment les larves de cette mouche à viande ont évolué pour vivre le plus tranquillement du monde au sein des nids de termites moissonneurs. Pour y parvenir, elles ont tout d’abord développé un camouflage unique. À l’extrémité postérieure de leur corps, elles arborent en effet un masque de termite. Ce masque se présente comme une fausse tête des plus convaincantes avec des antennes et des palpes de la même taille que ceux d’un grand termite moissonneur.


Elles possèdent également deux faux yeux qui sont en réalité leurs spiracles (des orifices respiratoires). « La plupart des termites vivent à plusieurs mètres sous terre et n’ont pas de perception visuelle. Cependant, les termites moissonneurs sortent à la tombée du jour pour collecter de l’herbe et possèdent donc des yeux fonctionnels que les larves parviennent à imiter avec leurs spiracles », précise Vila.

Outre cette fausse tête, le corps des larves est recouvert d’étranges tentacules qui imitent à la perfection les antennes des termites, comme l’ont démontré les chercheurs grâce à la microscopie électronique à balayage. Contrairement à la fausse tête, ces tentacules semblent fonctionnels. Les larves les utilisent pour communiquer avec les termites et, comme elles possèdent de nombreuses excroissances, elles peuvent au final interagir avec plusieurs termites à la fois.

Un déguisement qui va au-delà du physique

Le camouflage des larves n’est pas seulement physique, mais aussi chimique. À l’intérieur du nid, où règne une obscurité totale, les termites se reconnaissent en effet grâce à leurs antennes qui détectent la forme et l’odeur caractéristique de leurs congénères. Tous les membres d’une colonie partagent la même signature olfactive et les termites soldats démembrent tout intrus portant une odeur étrangère. Heureusement pour elles, les larves nouvellement identifiées parviennent à imiter parfaitement l’odeur distinctive des termites. Grâce à ce déguisement chimique efficace, elles deviennent ainsi parfaitement indiscernables de leurs hôtes.


larves imitent termites similitudes
Similitudes chimiques et morphologiques observées. Crédits : Roger Vila et coll. Current Biology, 2025.

Non contentes de s’infiltrer, les larves vivent la belle vie chez les termites

Grâce à leur camouflage, les larves de mouche n’échappent pas seulement aux attaques des termites soldats. Elles arrivent aussi à vivre discrètement auprès d’elles et bénéficient même d’un accès privilégié à la chambre alimentaire de la termitière. Leur déguisement est si abouti que certaines sont même toilettées par les termites, comme s’il s’agissait de véritables membres de la colonie. « Les larves ne sont pas seulement tolérées : elles communiquent en permanence avec les termites par contact grâce à leurs tentacules, semblables à des antennes », précise Vila. « Les termites semblent même les nourrir, bien que cela n’ait pas encore été démontré de manière irréfutable. »

En laboratoire, les chercheurs ont découvert que ces larves appartiennent au genre Rhyncomya. C’est une surprise, car aucune autre espèce de ce genre ne pratique le mimétisme (du moins au regard de nos connaissances actuelles). Cependant, malgré les tentatives des scientifiques de les élever hors de leur habitat, toutes les larves sont mortes avant d’atteindre l’âge adulte. Les chercheurs émettent donc l’hypothèse que ces larves entretiennent une relation symbiotique avec les termites et leur nid, ce qui ajoute au caractère fascinant de cette découverte.

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