C’était un géant des âges glaciaires, un prédateur mythique disparu depuis plus de 12 000 ans. Aujourd’hui, grâce aux outils les plus avancés de la biotechnologie moderne, le loup sinistre (Canus dirus) fait un retour fracassant dans le monde des vivants. Trois louveteaux, nés en laboratoire à partir d’ADN fossile, incarnent une révolution scientifique : la première « dé-extinction » réussie d’une espèce animale éteinte. Derrière cet exploit se cache Colossal Biosciences, une entreprise américaine déjà connue pour son projet fou de ramener le mammouth laineux.
Un prédateur impressionnant
Canis dirus, plus connu sous le nom de loup terrible ou loup géant, était un redoutable prédateur qui a parcouru les Amériques pendant près de deux millions d’années, entre le Pléistocène et la fin de la dernière ère glaciaire. Ce carnivore massif, qui a inspiré les célèbres loups géants de Game of Thrones, était bien plus impressionnant que les loups modernes.
Avec son corps robuste, ses mâchoires puissantes et ses dents adaptées à la chasse au gros gibier, le loup terrible pouvait s’attaquer à des proies imposantes comme les bisons, les élans, voire même les jeunes mammouths. Malgré sa carrure, il n’était pas lent pour autant : agile et rapide, il faisait partie des super-prédateurs de son époque.
Fait intéressant, malgré des ressemblances physiques avec les loups actuels, Canis dirus appartenait à une lignée génétiquement distincte au sein de la grande famille des canidés. Il n’était donc pas un ancêtre direct des loups modernes, mais plutôt un cousin éloigné, plus proche de certains canidés comme le coyote ou le renard gris. Cette distinction évolutive en fait un cas fascinant de convergence morphologique : deux espèces différentes, mais aux traits similaires, façonnées par les mêmes pressions environnementales.
Cela étant dit, nous savons que ces redoutables prédateurs ont disparu de la surface de la Terre il y a environ 12 000 ans, comme beaucoup d’autres espèces à l’époque. Ils sont aujourd’hui de retour grâce aux ingénieurs généticiens de l’entreprise de biotechnologie Colossal Biosciences.
Un ADN ressuscité depuis les glaces
Tout commence avec deux fossiles de loups terribles : une dent de 13 000 ans et un crâne vieux de 72 000 ans, exhumés des sols gelés d’Amérique du Nord. À partir de ces échantillons, les scientifiques de Colossal ont pu séquencer le génome de l’animal.
En comparant cet ADN ancien à celui d’espèces actuelles (loups, chacals, renards), l’équipe a ensuite identifié 14 gènes clés présentant 20 variations spécifiques. Ces mutations seraient responsables des principales caractéristiques du loup terrible : sa taille impressionnante, son pelage blanc, ses dents surdéveloppées et son cri guttural.
Des louveteaux nés d’un cocktail d’ADN
Mais comment faire revivre un animal disparu depuis l’ère glaciaire ? La réponse tient dans une combinaison inédite de techniques de pointe. Tout d’abord, les chercheurs ont prélevé des cellules sanguines de loups gris modernes, les plus proches cousins vivants des loups terribles. À l’aide de la technologie CRISPR-Cas9, ils y ont intégré les 20 mutations identifiées pour recréer ce qu’ils appellent des « cellules de loup terrible ».
Ensuite, ces noyaux cellulaires modifiés ont été transférés dans des ovules de loups gris dont le noyau avait été retiré, une méthode semblable à celle utilisée pour cloner la brebis Dolly en 1996. Ces ovules génétiquement modifiés ont été fécondés en laboratoire et développés jusqu’au stade embryonnaire.
Sur 45 embryons obtenus, trois ont été implantés avec succès dans des chiennes porteuses. Après 65 jours de gestation, Romulus, Remus et Khaleesi ont vu le jour. Les deux premiers, issus d’une même portée, sont nés par césarienne le 1er octobre 2024. La troisième, née trois mois plus tard, a complété ce trio historique.

Une première mondiale… mais pas sans précédent
Si le clonage d’animaux n’est pas nouveau, la réussite d’une dé-extinction complète est inédite. En 2003, des chercheurs espagnols avaient bien tenté de faire renaître le bouquetin des Pyrénées, disparu en 2000. Mais le jeune cabri cloné n’avait survécu que quelques minutes après sa naissance.
Romulus, Remus et Khaleesi, eux, sont en bonne santé, grandissent normalement et affichent les caractéristiques physiques attendues. Colossal a partagé des vidéos des jeunes loups poussant leurs premiers hurlements et explorant leur environnement, comme s’ils n’avaient jamais disparu.
À quoi ressemblera un monde post-extinction ?
Au-delà de la prouesse technique, la naissance de ces loups terribles soulève des questions majeures. Quel rôle peuvent jouer ces animaux dans un écosystème moderne ? Peut-on les considérer comme les mêmes espèces que celles disparues, ou s’agit-il de recréations approximatives ? Et surtout : jusqu’où irons-nous dans la « résurrection » des espèces disparues ?
Pour Colossal, l’objectif n’est pas seulement de faire revivre des créatures du passé, mais de sauver les espèces d’aujourd’hui. L’entreprise a récemment annoncé la naissance de loups rouges clonés, une espèce nord-américaine au bord de l’extinction. Elle espère également ramener les mammouths laineux d’ici 2028, pour réintroduire ces géants dans les steppes sibériennes et lutter contre le changement climatique via la restauration de l’écosystème de la toundra.