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Quand les arbres voyagent : la découverte surprenante des corridors cachés de l’Amazonie

Quand les arbres voyagent : la découverte surprenante des corridors cachés de l’Amazonie

  • lundi 10 février 2025
  • 26

Depuis des millions d’années, des espèces d’arbres se propagent de l’Amazonie aux forêts atlantiques à travers une région trop aride pour leur croissance. La manière exacte dont elles ont accompli ce voyage difficile restait jusqu’ici floue, mais une équipe de scientifiques avance aujourd’hui une nouvelle hypothèse dans son étude : les arbres utiliseraient constamment les rivières comme des sortes d’autoroute vertes. Ces corridors verts ont permis aux espèces de migrer entre les deux forêts, malgré les vastes étendues de forêts sèches et de savanes qui les séparent.


Une remise en question de théories de longue date

Jusqu’à présent, les chercheurs pensaient que la migration des arbres entre l’Amazonie et la forêt atlantique ne se produisait que lors de périodes climatiques plus humides et propices, notamment au moment de rares changements climatiques. Cependant, une nouvelle étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B Biological Sciences par le Royal Botanic Garden Edinburgh (RBGE) et l’Université d’Exeter apporte une tout autre explication qui remet en cause cette hypothèse de longue date. À la place, l’étude suggère que ces espèces se sont dispersées de manière continue au fil du temps en utilisant les forêts riveraines qui traversent les écosystèmes secs du Brésil comme des voies naturelles de migration.

Cette découverte modifie ainsi profondément notre compréhension de l’évolution de la biodiversité des forêts tropicales et souligne l’importance de ces corridors écologiques. Au lieu d’un phénomène ponctuel, la migration des arbres se serait finalement produite lentement et de manière constante sur des millions d’années.

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Crédits : deltreehd / Pixabay

Le cas des arbres Inga

L’équipe de chercheurs, qui comprend des scientifiques brésiliens, a étudié 164 espèces d’arbres du genre Inga, courantes dans les forêts tropicales d’Amérique latine. En analysant leur ADN, ils ont reconstruit leur arbre généalogique et analysé les moments où chaque espèce s’est séparée de ses ancêtres. Ils ont ensuite cartographié la répartition des espèces afin d’examiner les schémas de migration entre l’Amazonie et la forêt atlantique.


Les chercheurs ont alors identifié entre seize et vingt événements de dispersion où des espèces venues d’Amazonie ont réussi à s’implanter dans la forêt atlantique. Ces migrations ont eu lieu tout au long de l’évolution du genre Inga, et donc pas uniquement lors des périodes où la forêt humide recouvrait une grande partie du Brésil.

L’étude soulève un autre fait fascinant. Les chercheurs n’ont en effet trouvé qu’un ou deux cas où des espèces ont migré en sens inverse (de la forêt atlantique vers l’Amazonie). Cette asymétrie suggère un déséquilibre dans la migration des espèces, probablement en raison de la taille colossale de l’Amazonie et de sa plus grande production de graines, augmentant ainsi les chances de dispersion vers la forêt atlantique.

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Inga en fleur. Crédits : Elis Cora/iStock

Protéger à tout prix les forêts riveraines

Cette découverte transforme la compréhension des dynamiques au sein des forêts tropicales en montrant que le déplacement des espèces n’est pas seulement un vestige des changements climatiques passés, mais un processus toujours en cours essentiel pour la biodiversité et l’équilibre écologique.


Heureusement, le droit brésilien protège déjà légalement les forêts riveraines et reconnaît leur rôle essentiel dans la préservation des écosystèmes naturels du pays. « Cette protection légale et les efforts pour préserver ces forêts riveraines sont extrêmement précieux pour assurer la connectivité des habitats à long terme », explique le professeur Toby Pennington du département de géographie de l’Université d’Exeter et du Global Systems Institute.

Toutefois, un point est source d’inquiétude. La forêt atlantique abrite environ 3 000 espèces végétales de plus que l’Amazonie, mais il n’en reste aujourd’hui que 20 % à l’état intact. La destruction des habitats met ainsi de nombreuses espèces en danger, ce qui rend les efforts de conservation plus urgents que jamais. Or, cette étude montre clairement que la protection de l’Amazonie et de la forêt atlantique ne se limite pas à la sauvegarde de parcelles de forêt individuelles, mais repose également fortement sur le maintien des connexions écologiques qui ont permis aux espèces d’arbres de migrer et de s’adapter depuis des millions d’années.

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