PIA AFRICA
Rechercher
Ajouter
Paracétamol et grossesse : un risque accru de TDAH chez l’enfant ?

Paracétamol et grossesse : un risque accru de TDAH chez l’enfant ?

  • lundi 17 février 2025
  • 18

Le paracétamol est l’un des médicaments les plus couramment utilisés dans le monde. Analgésique et antipyrétique, il est souvent recommandé aux femmes enceintes pour soulager la fièvre ou les douleurs. Cependant, une nouvelle étude menée par l’Université de Washington soulève une question préoccupante : l’exposition prénatale au paracétamol pourrait-elle augmenter le risque de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez l’enfant ? Cette étude s’appuie sur des analyses biologiques précises, ce qui évite ainsi les biais des études précédentes basées sur des déclarations des patientes. Ses résultats suggèrent que l’usage du paracétamol pendant la grossesse pourrait influencer le développement neurologique du fœtus, en particulier chez les filles.


Un médicament largement utilisé pendant la grossesse

Le paracétamol, aussi appelé acétaminophène, est un médicament en vente libre utilisé pour soulager la douleur et la fièvre. Il est généralement considéré comme sûr, y compris pendant la grossesse, et recommandé en première intention lorsqu’un traitement est nécessaire.

Selon les études, entre 41 % et 70 % des femmes enceintes aux États-Unis, en Europe et en Asie déclarent en avoir pris au moins une fois pendant leur grossesse. Les autorités sanitaires, comme la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis et l’Agence européenne des médicaments (EMA), considèrent toujours ce médicament comme un faible risque pour le développement du fœtus. Pourtant, depuis quelques années, des recherches mettent en évidence un possible lien entre l’exposition prénatale au paracétamol et certains troubles neurodéveloppementaux, notamment le TDAH et les troubles du spectre autistique (TSA).

Une étude approfondie pour mieux comprendre les risques

Les recherches antérieures sur le lien entre le paracétamol et les troubles neurodéveloppementaux reposaient principalement sur des témoignages des mères. Cette approche pouvait donc introduire des biais de rappel et limiter la fiabilité des résultats. L’étude menée par l’Université de Washington apporte une perspective nouvelle en s’appuyant sur des analyses biologiques précises. En mesurant directement les biomarqueurs sanguins du paracétamol chez les femmes enceintes, elle offre une évaluation plus objective de l’exposition prénatale à ce médicament.


Pour mener cette étude, les chercheurs ont suivi 307 couples mère-enfant issus de la cohorte CANDLE (Conditions Affecting Neurocognitive Development and Learning in Early Childhood), basée à Memphis, Tennessee. Des échantillons sanguins ont été prélevés chez les mères au deuxième trimestre de la grossesse afin de détecter la présence de métabolites du paracétamol. L’état de santé des enfants a ensuite été évalué entre huit et dix ans en se concentrant sur les diagnostics de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). L’étude a également analysé l’expression des gènes placentaires pour identifier les mécanismes biologiques potentiellement impliqués.

Les résultats sont frappants. 20,2 % des femmes enceintes présentaient des traces de paracétamol dans leur sang. Leurs enfants avaient un risque 3,15 fois plus élevé d’être diagnostiqués TDAH par rapport aux enfants non exposés. L’effet semblait particulièrement marqué chez les filles, avec un risque 6,16 fois plus élevé, tandis que l’association était plus faible et non significative chez les garçons. Ces résultats suggèrent donc que l’exposition prénatale au paracétamol pourrait affecter le développement neurologique du fœtus, et accroître les risques de troubles cognitifs et comportementaux chez l’enfant.

femmes enceintes covid paracétamol
Crédits : Cparks/Pixabay

Quels sont les mécanismes biologiques impliqués ?

Un aspect novateur de cette étude réside dans l’analyse approfondie de l’expression génétique du placenta en lien avec l’exposition au paracétamol. Au lieu de se limiter à une simple corrélation entre la prise de ce médicament et l’apparition du TDAH, les chercheurs ont exploré les mécanismes biologiques sous-jacents qui pourraient expliquer cette association.


Chez les filles, l’exposition prénatale au paracétamol était associée à une régulation positive des voies immunitaires et à une augmentation de l’expression du gène IGHG1. Ce gène est impliqué dans les réponses immunitaires et pourrait jouer un rôle clé dans le développement du TDAH. Cette découverte suggère que des réactions inflammatoires anormales pendant la grossesse pourraient influencer le développement neurologique de l’enfant.

Chez les deux sexes, l’exposition au paracétamol était liée à une réduction de l’activité des voies de phosphorylation oxydative, un processus essentiel au développement cérébral. Ce mécanisme joue un rôle central dans la production d’énergie cellulaire et le bon fonctionnement des neurones. Une perturbation de cette activité pourrait ainsi avoir des conséquences sur la maturation du cerveau du fœtus et augmenter les risques de troubles neurodéveloppementaux.

Ces modifications biologiques offrent une explication possible à l’augmentation du risque de TDAH observée chez certains enfants exposés au paracétamol pendant la grossesse. Elles renforcent l’idée que même un médicament considéré comme sûr peut avoir des effets insoupçonnés sur le développement neurologique du fœtus.


Prudence, mais pas d’alarme : quelles précautions prendre ?

Bien que ces résultats soulèvent des préoccupations, il est important de les interpréter avec prudence et de ne pas tirer de conclusions hâtives sur l’usage du paracétamol pendant la grossesse. En effet, l’étude met en évidence une corrélation entre l’exposition prénatale au paracétamol et un risque accru de TDAH chez l’enfant, mais elle ne démontre pas un lien de cause à effet. Il est possible que d’autres facteurs entrent en jeu, notamment des éléments génétiques ou environnementaux qui influencent à la fois la prise de paracétamol et le développement du TDAH.

De plus, l’échantillon étudié était limité à une population afro-américaine, ce qui peut affecter la généralisation des résultats à d’autres groupes ethniques. D’autres recherches avec des échantillons plus diversifiés seront nécessaires pour confirmer ces observations.

En somme, l’étude menée par l’Université de Washington apporte de nouveaux éléments sur le lien potentiel entre paracétamol et troubles neurodéveloppementaux, mais des travaux complémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes en jeu et confirmer ces résultats. En attendant, la prudence est de mise : les femmes enceintes doivent privilégier un usage raisonné du paracétamol et toujours consulter un professionnel de santé avant de prendre un médicament.

Retrouver cet article sur Sciencepost
Les oiseaux ont développé des cerveaux complexes indépendamment des mammifères Article précédent
Les oiseaux ont développé des cerveaux complexes indépendamment des mammifères
Le recyclage des batteries plus efficace que l’extraction de métaux ? Article suivant
Le recyclage des batteries plus efficace que l’extraction de métaux ?

Commentaire - 0

Se connecter pour laisser un commentaire