Une équipe de chercheurs espagnols a mis au jour des fragments de crâne dans la grotte de la Sima del Elefante, dans les monts Atapuerca. Ces ossements datés de 1,4 million d’années, qui appartiennent à un individu surnommé Pink, repoussent de plusieurs centaines de milliers d’années l’arrivée des premiers humains en Europe occidentale. Cette découverte exceptionnelle remet en question nos connaissances sur l’évolution des hominidés sur le continent et ouvre la voie à de nouvelles hypothèses fascinantes.
Un site archéologique clé : les monts Atapuerca
Les monts Atapuerca sont déjà célèbres pour leurs découvertes majeures en paléoanthropologie. Ce site, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, a en effet livré au fil des années de nombreux fossiles humains et outils préhistoriques. La grotte de la Sima del Elefante (Fosse de l’Éléphant) est particulièrement riche : en 2008, des chercheurs y avaient mis au jour des restes qui datent d’environ 1,2 million d’années, considérés alors comme les plus anciens hominidés connus d’Europe occidentale.
Néanmoins, en 2022, une nouvelle fouille a changé la donne. Des fragments de crâne, plus précisément du maxillaire (la mâchoire supérieure) et de l’os de la joue, ont été découverts à une profondeur encore plus grande. Ces ossements, surnommés Pink en hommage à l’album Dark Side of the Moon de Pink Floyd, ont été datés à environ 1,4 million d’années, ce qui repousse de plusieurs centaines de milliers d’années la présence humaine dans cette partie du monde.
Un visage différent : des indices sur l’espèce humaine concernée
L’analyse des ossements a révélé des caractéristiques anatomiques surprenantes. Contrairement aux spécimens d’Homo antecessor découverts précédemment dans les monts Atapuerca (une espèce probablement à l’origine des Néandertaliens), le visage de Pink est plus robuste et saillant. Cette morphologie se rapproche davantage de celle d’Homo erectus, un ancêtre humain connu pour avoir été le premier à quitter l’Afrique il y a environ 1,8 million d’années.
Toutefois, Pink ne correspond pas exactement aux fossiles de cette espèce déjà retrouvés en Afrique et en Asie. C’est pourquoi les chercheurs ont choisi de le classer comme H. aff. erectus (affinis signifiant « semblable à » en latin), ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’une variante locale ou d’une lignée encore inconnue.

Des outils et des indices sur le mode de vie
Les fouilles de la Sima del Elefante ne se sont pas limitées aux ossements. Les chercheurs y ont aussi découvert des outils en pierre fabriqués à partir de quartz, de chert et de calcaire locaux. Ces instruments simples témoignent des capacités techniques de ces premiers Européens et de leur adaptation à leur environnement.
Des ossements d’animaux portant des traces de découpe humaine ont également été retrouvés, ce qui suggère que ces hominidés chassaient ou dépeçaient des proies pour se nourrir. Ces indices renforcent l’idée que les monts Atapuerca étaient une zone stratégique, riche en ressources naturelles, fréquentée par les premiers humains pendant des milliers d’années.

Des questions encore en suspens
Bien que cette découverte rapportée dans Nature apporte des réponses importantes, elle soulève aussi de nouvelles interrogations. Pourquoi H. aff. erectus a-t-il disparu d’Europe occidentale ? Une hypothèse avancée est celle d’un changement climatique brutal il y a environ 1,1 million d’années qui aurait rendu les conditions de vie particulièrement difficiles.
Une autre question concerne la possible coexistence entre H. aff. erectus et Homo antecessor. Si les deux espèces ont habité les monts Atapuerca à des périodes rapprochées, il est envisageable qu’elles aient interagi, voire partagé le même territoire.
Enfin, l’identité exacte de Pink reste à préciser. Des analyses futures, notamment sur les protéines contenues dans l’émail dentaire, pourraient révéler des informations sur le sexe et d’autres caractéristiques de cet individu.
En somme, la mise au jour de ces nouveaux ossements dans la Sima del Elefante est une avancée majeure dans la compréhension de l’évolution humaine. En repoussant la date d’arrivée des premiers hominidés en Europe occidentale, cette découverte redessine la carte des migrations préhistoriques et pose de nouvelles questions sur les interactions entre les différentes espèces humaines.