Le feu a transformé notre destin évolutif. Pourtant, savoir à quel moment exact nos ancêtres ont appris à contrôler cet élément reste un mystère qui fascine les scientifiques. Une récente découverte dans la grotte française d’Orgnac 3 pourrait bien éclairer cette question. Datée de 270 000 ans et probablement l’œuvre des Néandertaliens, elle représenterait la plus ancienne preuve directe d’une utilisation contrôlée du feu en Europe.
Une grotte chargée d’histoire : le site d’Orgnac 3
Située dans le sud-est de la France, la grotte d’Orgnac 3 est une capsule temporelle unique. Occupée par des hominidés au début et au milieu de l’âge de pierre, bien avant l’apparition d’Homo sapiens en Europe, elle aura livré des artefacts précieux comme des outils de pierre et des traces d’activité humaine. Récemment, des chercheurs ont mis au jour des éléments encore plus intrigants : des traces de foyers préhistoriques et une suie incrustée dans des formations minérales appelées spéléothèmes.
Ces découvertes ne sont pas anodines, car elles offrent une rare opportunité de comprendre comment nos ancêtres utilisaient le feu au quotidien. En utilisant une technique appelée fuliginochronologie, qui consiste à analyser les dépôts de suie dans les formations minérales pour dater les traces d’utilisation du feu, les chercheurs ont pu dater ces traces à environ 270 000 ans, confirmant qu’il était utilisé de manière répétée à cette époque.
Plus précisément, les analyses ont révélé que 23 à 27 foyers avaient été allumés sur une période de mille ans. La localisation profonde de ces foyers dans la grotte élimine l’hypothèse d’une origine naturelle, comme la foudre. Ces feux ont probablement été allumés par des hominidés. Ces espèces, connues pour leurs capacités cognitives avancées, auraient été capables de gérer des foyers dans des environnements complexes.
Cependant, une question persiste : allumaient-ils le feu à partir de rien ou se contentaient-ils de l’entretenir lorsqu’il était déjà présent ? Les conditions environnementales jouent ici un rôle important. Les chercheurs notent en effet que plus de la moitié des foyers coïncident avec des périodes humides, où les incendies naturels étaient peu probables. Cela suggère une maîtrise intentionnelle du feu, possiblement grâce à des techniques de pyrotechnie rudimentaires.
Cette découverte a des conséquences majeures pour notre compréhension de l’évolution humaine. Jusqu’à présent, les preuves les plus anciennes d’une utilisation répétée et contrôlée du feu provenaient d’une grotte en Espagne datée de 245 000 ans. Or, les traces d’Orgnac 3 repoussent cette chronologie de 25 000 ans, ouvrant la voie à de nouvelles hypothèses sur les capacités technologiques des premiers hominidés.

Qui étaient ces premiers maîtres du feu ?
Les auteurs de l’étude estiment que ces foyers étaient probablement l’œuvre des Néandertaliens ou du plus récent ancêtre commun avec notre propre espèce qui est connu sous le nom d’Homo heidelbergensis.
Cette maitrise témoigne d’une intelligence adaptative et d’une capacité à exploiter les ressources naturelles pour améliorer leurs chances de survie. Le feu pouvait en outre jouer un rôle bien plus complexe qu’une simple source de chaleur. Il avait probablement aussi un aspect social : en tant que centre autour duquel les groupes se rassemblaient, il favorisait la cohésion sociale et permettait de développer des pratiques culinaires et des stratégies de défense contre les prédateurs.
L’étude est actuellement disponible en pré-impression sur Research Square.