Les lamproies marines jouent un rôle crucial dans la compréhension des origines des cellules souches qui ont marqué l’évolution des vertébrés. Une étude récente menée par des biologistes de l’Université Northwestern a permis de découvrir comment ces cellules souches ont évolué au fil des millions d’années, offrant ainsi des éclaircissements sur l’absence de mâchoires chez ces animaux, mais également sur nos propres origines.
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Les vertébrés modernes, y compris les humains, descendent de poissons anciens qui vivaient il y a plus de 400 millions d’années durant la période du Dévonien (419 à 359 millions d’années). À cette époque, les mers étaient dominées par des poissons sans mâchoire. Aujourd’hui, la situation est inversée. De nos jours, les lamproies et les myxines sont les derniers représentants vivants de ces vertébrés primitifs dépourvus de mâchoires. Leur étude est donc cruciale pour comprendre l’évolution des caractéristiques des vertébrés.
« Les lamproies pourraient être essentielles pour percer les secrets de notre propre origine », explique Carole LaBonne, professeure de biosciences moléculaires à l’Université Northwestern, qui a dirigé l’étude. « Pour comprendre l’origine d’une caractéristique en biologie évolutionniste, il est indispensable de remonter jusqu’aux formes les plus primitives de l’animal étudié, plutôt que de se fier uniquement aux vertébrés plus complexes qui ont évolué séparément pendant des millions d’années. Cela nous conduit directement aux myxines et aux lamproies, les derniers exemples vivants de vertébrés sans mâchoires. »

L’évolution des cellules souches : lamproies vs grenouilles
Les cellules souches, notamment les blastocystes et les cellules de la crête neurale, jouent un rôle fondamental dans le développement des vertébrés. Les blastocystes, présentes dès les premiers stades embryonnaires, ont la capacité de se différencier en tous les types cellulaires du corps. En revanche, les cellules de la crête neurale, qui apparaissent plus tard dans le développement, sont responsables de la formation de diverses structures essentielles, telles que les neurones et les muscles.
Pour comprendre les évolutions qui ont conduit à la diversité des vertébrés, les chercheurs ont comparé les gènes impliqués dans la régulation de ces cellules souches chez la lamproie et le xénope, une grenouille aquatique avec mâchoires.
Cette comparaison était cruciale, car elle permettait d’examiner comment les réseaux génétiques qui régulent les cellules souches ont évolué chez les vertébrés primitifs par rapport à ceux des vertébrés plus évolués. En analysant les gènes et les réseaux de régulation génétique de ces deux espèces, les chercheurs ont ainsi pu identifier à la fois des similitudes et des différences, ce qui a offert un aperçu précieux sur les modifications évolutives ayant mené à l’émergence des vertébrés à mâchoires et à d’autres caractéristiques complexes.
Que nous dit l’étude ?
Les résultats montrent que les lamproies partagent des aspects importants du réseau génétique responsable de la pluripotence des cellules avec les vertébrés à mâchoires, comme le xénope. Cependant, une différence cruciale est l’absence du gène pou5 dans les cellules de la crête neurale des lamproies. Ce gène est crucial pour la formation de structures complexes comme les mâchoires chez les vertébrés.
L’absence de ce gène dans les lamproies suggère ainsi que cette perte pourrait être un facteur clé expliquant pourquoi les lamproies, malgré leur complexité génétique, n’ont pas développé de mâchoires.
La perte de ce gène chez les lamproies, combinée avec sa présence chez les vertébrés à mâchoires, suggère que les modifications génétiques et les développements associés à ces structures osseuses se sont donc produits après la divergence des lignées qui en ont et de celles qui n’en ont pas.
Pour les humains, cette recherche fournit donc un aperçu précieux sur les origines des caractéristiques complexes que nous possédons aujourd’hui. En comprenant comment les premiers vertébrés ont évolué pour développer des structures fondamentales, nous pouvons en effet mieux saisir les étapes clés dans l’évolution qui ont conduit à la diversité des vertébrés modernes, y compris nous-mêmes.
L’étude est publiée dans Nature Ecology & Evolution.