La question de l’avenir de l’élevage animal est au cœur des réflexions sur la durabilité et l’éthique de notre alimentation. Avec l’émergence de technologies comme la viande cultivée en laboratoire, certains imaginent déjà un futur sans élevage. Mais si ces innovations offrent de vraies pistes pour réduire notre empreinte environnementale, elles ne rendront pas pour autant l’élevage obsolète. Et c’est probablement une bonne chose.
L’élevage animal : une part essentielle du système alimentaire mondial
L’élevage constitue un pilier essentiel de l’alimentation humaine à l’échelle mondiale. Il représente environ 40 % de la valeur de la production agricole globale et soutient les moyens de subsistance de près de 1,3 milliard de personnes. Dans de nombreuses régions rurales, en particulier dans les pays en développement, il constitue la principale source de nourriture, de revenus et d’emplois. Supprimer cette activité reviendrait à fragiliser des communautés entières.
Mais l’élevage ne se limite pas à la production de viande. Il fournit aussi des matériaux difficiles à remplacer, comme les peaux, les fourrures, le collagène ou encore l’acide stéarique, utilisés dans les industries textile, pharmaceutique ou cosmétique. Les animaux permettent également de valoriser des ressources non comestibles : dans les pays développés, ils sont souvent nourris avec des déchets alimentaires ou des résidus de transformation agricole, transformant des calories autrement perdues en nourriture.
L’impact environnemental de l’élevage
Malgré ces atouts, l’élevage reste l’un des principaux contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre, représentant entre 11 % et 19,6 % des émissions mondiales. Il est aussi un moteur important de la déforestation et de la perte de biodiversité. Une étude publiée en 2020 estime que, sans changement, l’élevage pourrait menacer les habitats de près de 17 000 espèces d’ici 2050.
Pour autant, ces conséquences ne sont pas une fatalité. L’élevage peut s’inscrire dans un modèle durable lorsqu’il est pratiqué de manière raisonnée : pâturage sur des terres peu fertiles impropres à la culture, utilisation du fumier comme engrais naturel, arrêt de la déforestation. Dans cette optique, il peut même contribuer à maintenir la santé des sols et à préserver certains écosystèmes.

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Crédits : dusanpetkovic/istockLa viande cultivée : une solution, mais pas une panacée
Face aux défis posés par l’élevage intensif, la viande cultivée en laboratoire est souvent présentée comme une solution d’avenir. Produite à partir de cellules animales dans un environnement contrôlé, elle permettrait de limiter les souffrances animales et de réduire l’impact environnemental de notre alimentation.
Cependant, cette technologie reste aujourd’hui marginale. Les coûts de production sont encore élevés, la mise à l’échelle industrielle reste complexe, et l’accessibilité pour le grand public est très limitée. De plus, même dans un futur où elle serait largement répandue, la viande cultivée ne pourra pas remplacer les multiples fonctions assurées par l’élevage dans les systèmes alimentaires mondiaux.
Un rôle irremplaçable
L’élevage joue un rôle trop vaste pour être totalement éliminé. Il soutient la résilience économique de nombreuses régions, transforme des terres impropres à la culture en ressources alimentaires, et génère des sous-produits essentiels à d’autres secteurs. Le supprimer aggraverait les inégalités alimentaires et priverait des millions de personnes de leurs moyens de subsistance.
Dans une agriculture bien pensée, l’élevage participe aussi à la circularité du système : recyclage des nutriments, valorisation des déchets organiques, entretien des paysages… Il n’est donc pas l’ennemi d’un avenir durable, à condition de repenser ses pratiques et de réduire la surconsommation.
Par ailleurs, il joue un rôle clé dans la valorisation de ressources que nous ne pourrions exploiter autrement. Dans de nombreuses régions arides ou montagneuses, les terres sont trop pauvres pour produire des cultures alimentaires humaines. Pourtant, elles permettent le pâturage d’animaux capables de convertir des végétaux non comestibles — graminées, arbustes — en protéines. Ce processus unique transforme donc des calories végétales inutilisables en nourriture précieuse.
Enfin, l’élevage fournit près de la moitié des engrais mondiaux, sous forme de fumier. Ce dernier enrichit les sols en nutriments naturels (azote, phosphore, potassium), représentant un complément — voire une alternative — aux engrais de synthèse, dont la production repose souvent sur des procédés polluants ou des ressources non renouvelables.
Réinventer, pas supprimer
Plutôt que d’opposer élevage et innovation, la voie la plus réaliste est celle d’une coexistence intelligente. La viande cultivée pourrait contribuer à réduire la pression sur l’environnement, en remplaçant une partie de la consommation issue de l’élevage intensif. Mais l’élevage, pratiqué de manière durable, restera un maillon essentiel de notre chaîne alimentaire.
L’objectif n’est pas de supprimer l’élevage animal, mais de le transformer pour répondre aux enjeux écologiques, économiques et sociaux du 21e siècle.