Mesurer les particules de haute énergie que sont les muons pour sonder l’intérieur des cyclones tropicaux et mieux anticiper leur évolution. L’idée paraît saugrenue. Elle est pourtant prometteuse et a d’ores et déjà fait ses preuves sur un cas concret. Ces résultats novateurs ont été publiés dans la revue Scientific Reports ce 6 octobre.
La muographie atmosphérique, une technique révolutionnaire
Le muon est une particule élémentaire analogue à l’électron, mais de masse deux cent fois plus importante et d’une durée de vie infinitésimale. Dans une étude pour le moins surprenante, dirigée par l’université de Tokyo (Japon), des chercheurs ont tiré parti des muons naturellement produits dans l’atmosphère par le rayonnement cosmique pour étudier la structure des cyclones tropicaux.
Il s’agit d’une extension du principe de tomographie muonique à l’atmosphère, chose qui n’avait encore jamais été menée avec succès jusqu’à présent. « Vous avez probablement vu des images de cyclones prises d’en haut, montrant des tourbillons nuageux », rapporte Hiroyuki Tanaka, auteur principal de l’étude. « Cependant, je doute que vous ayez déjà vu un cyclone sur le côté, peut-être sous la forme d’une infographie, mais jamais sous la forme de données issues de capteurs ».
Or, le procédé développé par les scientifiques permet de générer ce type d’image. Plus encore, il offre la possibilité « de visualiser des phénomènes météorologiques de grande échelle, comme les cyclones, en vue 3D et en temps réel » poursuit Tanaka. « Nous utilisons pour cela une technique de muographie, que l’on peut comparer à une radiographie et qui permet de voir à l’intérieur de choses vraiment énormes ». Les tourbillons sont donc épiés dans leur plus stricte intimité.

Ainsi, outre la multitude d’images satellitaires montrant les cyclones tropicaux en vue du dessus, les météorologues pourront disposer sur leur écrans d’images de ces systèmes en trois dimensions et d’une vue de leur structure interne en temps quasi réel. Un ajout qui permettrait à la fois d’améliorer les prévisions météorologiques et les alertes envoyées aux populations exposées.
Comment ça marche ?
Le principe consiste à mesurer l’intensité du flux de muons atteignant la surface terrestre après que celui-ci ait traversé le milieu étudié, dans le cas présent une structure nuageuse. Contrairement à d’autres particules, les muons traversent très facilement la matière. Toutefois, la petite dispersion générée par ce passage peut être mesurée par des capteurs de type scintillateurs installés en surface et restituer d’importantes informations sur la structure nuageuse traversée. Une technique d’ores et déjà éprouvée par les chercheurs.
« Nous avons réussi à imager le profil vertical d’un cyclone, révélant des variations de densité essentielles pour comprendre leur fonctionnement », rapporte l’auteur principal. « Les images montrent des sections transversales du cyclone qui a traversé la préfecture de Kagoshima, dans l’ouest du Japon. J’ai été surpris de voir qu’il présentait clairement un cœur chaud de faible densité contrastant fortement avec le froid extérieur à haute pression. Il n’y a absolument aucun moyen de capturer de telles données avec les capteurs traditionnels ».
Avec un réseau de scintillateurs étendus à l’échelle hémisphérique, en particulier sur les littoraux, les chercheurs espèrent pouvoir sonder les cyclones et d’autres perturbations météorologiques situées en mer, la portée du dispositif pouvant atteindre trois cent kilomètres. L’acquisition de ces données riches et inédites dans des zones encore aujourd’hui pauvres en observations pourrait constituer une révolution. La muographie, le nouvel eldorado des météorologues ?