Les océans pourraient bientôt être sillonnés par des navires sans équipage, capables de patrouiller pendant des semaines, de transporter des tonnes de matériel stratégique, et de répondre à des menaces sans qu’aucun marin ne soit à bord. Non, ce n’est pas le synopsis d’un nouveau blockbuster hollywoodien. C’est le pari audacieux que viennent de prendre les États-Unis avec le lancement du Marauder, un navire de surface autonome conçu par Saronic Technologies, une startup basée au Texas. Et derrière cette technologie futuriste se joue un enjeu bien plus grand : reconquérir la domination maritime face à la Chine.
Marauder : le navire invisible à l’œil humain
Le MUSV (Medium Uncrewed Surface Vehicle) baptisé Marauder mesure environ 46 mètres de long et est conçu pour effectuer des missions sans aucune présence humaine à bord. S’il a l’apparence d’un navire traditionnel, sa conception est tout sauf classique. Il peut naviguer sur 3 500 milles nautiques (environ 6 500 km) ou rester en opération pendant plus de 30 jours, selon les besoins de la mission.
Son secret ? Une pile logicielle d’autonomie avancée, déjà testée sur d’autres prototypes de la firme, qui permet une navigation intelligente, une détection d’obstacles, et une prise de décision autonome en temps réel. Avec une capacité de charge utile de 40 tonnes, il pourrait servir aussi bien à la surveillance, à la logistique militaire, qu’à des opérations scientifiques ou industrielles.
Et il ne traîne pas : en mode croisière, il atteint 12 nœuds, et jusqu’à 18 en mode « rafale ».
Un chantier naval géant pour construire la flotte du futur
Pour passer de la démonstration technologique à la production de masse, Saronic vient de frapper un grand coup : l’entreprise a racheté Gulf Craft, un constructeur naval de Louisiane, et hérite ainsi d’un chantier naval de 100 acres sur la côte du Golfe. L’objectif ? Transformer ce site en centre de prototypage et de production à grande échelle.
L’entreprise prévoit d’y investir 250 millions de dollars pour moderniser les infrastructures, acquérir des machines de dernière génération, et bâtir une chaîne d’assemblage capable de produire jusqu’à 50 navires autonomes par an.
Cette montée en puissance industrielle s’inscrit dans un virage stratégique majeur de l’industrie navale américaine.
Meet the newest member of Saronic’s family of Autonomous Surface Vessels. Bayou-born. Mission-ready. Marauder.
At 150-feet, Marauder is a medium unmanned surface vessel (MUSV) that will integrate the same proven autonomy stack used across Saronic’s existing ASVs. This new vessel… pic.twitter.com/A51DKOSl2t
— Saronic (@Saronic) April 16, 2025
Une stratégie nationale pour rattraper la Chine
Ce projet s’inscrit dans une dynamique impulsée directement depuis Washington. Le président Donald Trump a récemment signé un décret pour relancer la construction navale américaine, en particulier dans le domaine civil et militaire. Un secteur que beaucoup jugent en retard technologique et industriel face à la montée en puissance de la Chine.
Le décret vise notamment à restreindre l’accès aux ports américains aux navires chinois, ou construits en Chine, en imposant des droits d’accostage élevés. Une mesure de protectionnisme maritime assumée, mais controversée. Des groupes industriels américains s’inquiètent déjà des conséquences économiques, notamment sur les chaînes logistiques et les prix à l’import.
Malgré cela, la dynamique est lancée. Le Congrès, à majorité bipartisane, soutient l’effort de réindustrialisation, et des figures politiques locales saluent l’impact de ces investissements : emplois qualifiés, stimulation économique locale, et renforcement de la sécurité nationale.
Vers une révolution de la guerre navale ?
Les navires sans équipage, autrefois réservés à la science-fiction ou aux projets militaires confidentiels, entrent aujourd’hui dans l’ère de la production massive. Si les promesses sont tenues, le Marauder pourrait redéfinir la logistique navale, la surveillance maritime, voire les combats en mer dans un avenir très proche.
Et cette évolution ne concerne pas seulement les États-Unis : elle redessine les équilibres géopolitiques mondiaux, à une époque où les océans redeviennent un terrain stratégique majeur.
Le futur de la guerre – ou de la dissuasion – sera peut-être piloté sans mains, mais avec une IA bien en place à la barre.