L’Univers se dilate depuis le Big Bang. Mesurer la vitesse à laquelle il se développe (ce que l’on appelle la constante de Hubble) est essentiel pour comprendre son histoire et son avenir. Cependant, une étrange discordance dans les mesures de cette constante défie les scientifiques depuis plusieurs années. Ce mystère, surnommé la tension de Hubble, a été mis en évidence par des observations effectuées par différents télescopes, notamment le célèbre télescope spatial Hubble. Récemment, de nouvelles observations du télescope James Webb (JWST) ont non seulement confirmé l’existence de cette anomalie, mais aussi révélé qu’elle pourrait bien provenir d’un aspect fondamental du cosmos lui-même.
La constante de Hubble et ses méthodes de mesure
La constante de Hubble permet de quantifier la vitesse à laquelle l’Univers se dilate. Elle est essentielle pour déterminer sa taille, son âge et son évolution. Les astronomes emploient deux méthodes principales pour la mesurer, chacune ayant ses avantages et ses limitations.
La première méthode repose sur l’étude du fond diffus cosmologique (CMB), une sorte de photographie de l’Univers primitif prise environ 380 000 ans après le Big Bang. Ce rayonnement micro-onde offre des informations précieuses sur son état à cette époque. En utilisant ces données et des modèles théoriques, les chercheurs ont estimé la constante de Hubble à environ 67 kilomètres par seconde par mégaparsec (km/s/Mpc). Cela signifie que pour chaque million d’années-lumière, les galaxies s’éloignent de nous à une vitesse de 67 km/s.
La seconde méthode, plus récente, repose sur l’observation des étoiles variables Céphéides, des étoiles pulsantes dont la luminosité varie de manière régulière. Ces étoiles servent de bougies standards qui permettent aux astronomes de mesurer les distances dans l’Univers plus proche. En mesurant la luminosité de ces étoiles, les scientifiques ont calculé une constante de Hubble d’environ 73 km/s/Mpc. Ce chiffre est donc significativement plus élevé que celui obtenu par l’étude du fond diffus cosmologique, ce qui crée une divergence importante. C’est cette différence qui constitue la fameuse tension de Hubble.
Le rôle du télescope James Webb
Lancé en 2021, le télescope spatial James Webb a été conçu pour repousser les limites de la précision des mesures astronomiques. Avec sa capacité de détection infrarouge et sa position éloignée de la Terre, il offre une vue plus détaillée de l’Univers que jamais. Un des objectifs clés de James Webb était de mieux mesurer la constante de Hubble en affinant les observations des Céphéides. En utilisant le JWST, les chercheurs ont réussi à réduire la marge d’erreur des précédentes mesures, passant d’environ 8 ou 9 % à seulement 2 %.
Grâce à ces données de haute précision, les astronomes ont confirmé que la constante de Hubble obtenue par la méthode des Céphéides est bien d’environ 73 km/s/Mpc, soit une valeur plus élevée que celle issue du CMB. Cette confirmation n’a fait qu’accentuer la tension entre les deux valeurs et a renforcé l’idée qu’il pourrait y avoir un phénomène encore inconnu à l’origine de cette différence.

Quelles explications pour la tension de Hubble ?
Face à cette discordance, plusieurs hypothèses ont émergé pour expliquer la tension de Hubble. L’une des pistes suggère que la matière noire ou l’énergie noire primitive pourraient être responsables de cette anomalie. L’idée est que ces phénomènes inconnus, en particulier dans l’Univers primitif, auraient pu avoir un impact majeur sur l’expansion de l’Univers et modifier ainsi sa vitesse d’expansion à des moments cruciaux après le Big Bang.
D’autres spéculations vont encore plus loin, suggérant des propriétés nouvelles de la matière, des particules exotiques, voire des modifications dans les lois de la physique qui régissent le cosmos à grande échelle. Des théories telles que l’existence de nouveaux types de particules ou des champs magnétiques primordiaux ont également été proposées pour tenter d’expliquer cette discordance.
Bien que ces hypothèses soient encore largement spéculatives, elles ouvrent la voie à des recherches fascinantes sur des phénomènes cosmologiques qui étaient jusqu’à présent inimaginables. Si ces théories se confirment, elles pourraient bouleverser nos conceptions actuelles de la physique fondamentale.
Un mystère à résoudre
La tension de Hubble pourrait être bien plus qu’une simple anomalie dans les mesures, mais un indice crucial pour repenser certaines de nos théories cosmologiques les plus établies. Des chercheurs comme Adam Riess, lauréat du prix Nobel et principal auteur de l’étude sur la constante de Hubble, soulignent que cette énigme pourrait signaler un aspect fondamental du cosmos encore mal compris. Selon lui, la cause de cette discordance pourrait résider dans une caractéristique encore inédite de l’Univers.
Les prochaines étapes de la recherche pourraient non seulement permettre de mieux comprendre cette tension, mais aussi modifier notre vision du cosmos. Avec sa capacité à collecter des données précises, le télescope James Webb continuera de jouer un rôle crucial dans l’éclaircissement de ce mystère. Cependant, ce phénomène pourrait également mener à des découvertes qui remettront en question des concepts fondamentaux de la cosmologie, voire de la physique elle-même.