(Agence Ecofin) - Affectée par la dévaluation du naira et la Covid-19, Iroko TV licenciera 150 personnes en Afrique, y réduira ses investissements et se concentrera sur l’occident, explique Jason Njoku son fondateur. Pour lui et Tonjé Bakang, créateur d’Afrostream, le marché du streaming africain est encore trop jeune.
En Afrique, Iroko TV va réduire ses investissements africains pour se concentrer sur son développement à l’international. Dans un premier temps, ce repositionnement commencera par l’arrêt de 150 emplois sur le continent. L’information a été rendue publique par Jason Njoku (photo) le fondateur d’Iroko TV, dans un post de blog.
Son entreprise a été fortement touchée par les récents changements en termes de régulation au Nigeria et par la pandémie de Covid-19, alors qu’Iroko TV gérait déjà une situation difficile. La dévaluation du naira avait réduit les coûts de l’abonnement de moitié. De 3 000 nairas (18 dollars) en 2015, l’entreprise ne percevait plus que l’équivalent de 8,33 dollars (pour 3 000 nairas) en 2017. Aujourd’hui, chaque abonnement ne ramène plus que 6,3 dollars par abonnement. La pandémie de Covid-19 est venue aggraver la situation forçant Iroko TV à mettre à pied 28% de son équipe en mai dernier.
Dans le même temps, à l’international, « l’entreprise se développait sans effort ». « Tous les problèmes macro et individuels qui touchaient l'Afrique de l'Ouest n'étaient pas des problèmes majeurs en Occident. Oui, des emplois étaient perdus. Oui, les économies se contractaient, mais avec toutes les mesures de stimulation que les dirigeants adoptaient, l'impact sur la personne moyenne devenait marginal », explique Jason Njoku. D’après ses propres chiffres, le revenu annuel moyen par habitant au niveau international est de 25 à 30 dollars.
« Même après avoir fait des efforts incroyables en Afrique ces cinq dernières années, nos activités internationales représentent aujourd'hui 80% de nos revenus. Nous croyons toujours en l'Afrique, mais c'est étrange de réaliser que même après presque neuf ans avec Iroko TV, dont cinq exclusivement consacrés à l'Afrique, le streaming, c’est peut-être encore trop tôt pour le continent », a déclaré le fondateur d’Iroko TV.
Cette situation vient remettre en cause la ruée vers le streaming qui prend de plus en plus forme sur le continent, notamment chez les créateurs de contenu. Pourtant, la fin d’Afrostream est à elle seule suffisante pour rappeler que lancer et gérer une plateforme de streaming en Afrique n’est pas une entreprise aisée. « Si je pouvais revenir en arrière je ne relancerais pas Afrostream. Je serais dans la production de contenu comme maintenant », nous a confié Tonjé Bakang que nous avons rencontré à Dakar en novembre 2018.
« Le marché n’est pas encore rentable en Afrique. Toutes les plateformes fonctionnent à perte, même Netflix. Le marché n’a pas encore réellement pris forme et le principal défi est de pouvoir fonctionner à perte jusqu’à ce qu’il soit totalement défini. Qu’on le veuille ou non, on parle encore de niche et seules des entreprises avec des moyens comme Netflix peuvent tenir jusqu’au moment où le streaming sera rentable en Afrique », a ajouté le fondateur d’Afrostream.
Servan Ahougnon