Envoyer des humains sur Mars fait partie de nos fantasmes les plus tenaces. Depuis les récits de science-fiction jusqu’aux projets de la NASA ou d’Elon Musk, l’idée d’une colonie martienne habitable revient régulièrement sur le devant de la scène. Mais entre le rêve et la réalité, il y a un gouffre, et celui-ci a un nom : l’environnement martien.
Trop froide, trop sèche et surtout dotée d’une atmosphère incroyablement mince, la planète rouge est loin d’être hospitalière. Sans combinaison, un être humain y mourrait en quelques secondes, non pas à cause du manque d’oxygène, mais parce que son sang entrerait littéralement en ébullition à cause de la basse pression.
Pour être habitable, Mars aurait donc besoin d’un sérieux relooking atmosphérique. On parle ici de terraformation : un processus par lequel une planète est transformée pour ressembler davantage à la Terre. Et c’est précisément ce que propose le géophysicien Leszek Czechowski, de l’Académie polonaise des sciences. Mais sa solution est tout sauf conventionnelle.
Faire pleuvoir des comètes pour créer une atmosphère
Lors de la 56e Conférence sur les sciences lunaires et planétaires qui s’est tenue au Texas, Czechowski a avancé une idée spectaculaire : bombarder Mars avec des corps glacés venus de la ceinture de Kuiper, une région lointaine du système solaire, au-delà de Neptune, peuplée de petits objets riches en glace et en composés volatils.
Pourquoi ? Parce que ces objets contiennent précisément ce qui manque à Mars : de l’eau, du dioxyde de carbone, de l’azote et du méthane. Tous ces éléments pourraient enrichir l’atmosphère martienne et, à terme, augmenter la pression au sol au point de la rendre vivable – ou du moins respirable avec un peu d’assistance.
L’idée serait donc d’envoyer ces blocs glacés s’écraser sur la planète rouge, libérant ainsi leurs gaz à l’impact. Une fois une quantité suffisante de matières volatiles accumulée, des organismes génétiquement modifiés pourraient être introduits pour transformer ce cocktail en oxygène.

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Mars terraformée. Crédits : Ragnar Hatlø/istockUn défi technique (et énergétique) colossal
Évidemment, ce plan repose sur des technologies qui n’existent pas encore. Il faudrait, selon Czechowski, développer des moteurs ioniques puissants et des réacteurs thermonucléaires capables de guider des objets de plusieurs kilomètres de diamètre à travers le système solaire. Un voyage depuis la ceinture de Kuiper prendrait entre 30 et 60 ans, selon ses estimations.
Le coût énergétique de l’opération serait également colossal : l’équivalent de six mois à plusieurs années de consommation énergétique mondiale actuelle, rien que pour transporter les projectiles vers Mars.
Czechowski a étudié d’autres options : les astéroïdes de la ceinture principale, plus proches mais trop pauvres en éléments légers, ou le nuage d’Oort, beaucoup plus riche, mais tellement lointain qu’il faudrait 15 000 ans pour en rapatrier les objets. La ceinture de Kuiper, bien que difficile d’accès, reste donc la meilleure candidate.
Des conséquences potentiellement catastrophiques
Un autre point à ne pas négliger : les risques liés à l’impact de ces corps glacés sur Mars. Une collision de cette ampleur pourrait déclencher des séismes, des éruptions volcaniques, ou même altérer l’axe de rotation de la planète si la masse des projectiles est mal répartie.
Sans parler du fait que ces objets, instables par nature, pourraient dévier de leur trajectoire et représenter un danger pour d’autres planètes… y compris la Terre.
Une idée folle, mais pas absurde
Si l’on met de côté les obstacles technologiques et les risques potentiels, le plan de Czechowski présente un intérêt majeur : il repose sur des ressources déjà présentes dans le système solaire. Contrairement à d’autres idées de terraformation, comme recouvrir Mars de miroirs spatiaux ou faire exploser ses calottes glaciaires à coups de bombes nucléaires, ce plan propose une solution « naturelle » pour créer une atmosphère viable.
C’est un projet à très long terme, probablement irréalisable avec nos moyens actuels. Mais il pourrait un jour devenir une étape logique pour une civilisation interplanétaire maîtrisant les voyages spatiaux et la manipulation de ressources à l’échelle du système solaire.
Après tout, qui aurait cru, il y a seulement un siècle, que nous serions capables d’envoyer des robots à des milliards de kilomètres de la Terre ?
Terraformer Mars n’est pas pour demain. Mais si un jour nous voulons vraiment y vivre, il faudra bien envisager des solutions radicales. Et celle-ci, aussi explosive soit-elle, pourrait bien en faire partie.